Exigeons l’annulation de la réforme de l’Assurance-chômage et obtenons de nouveaux droits
Avec la crise sanitaire, une crise sociale et économique se profile. En mars, Pôle emploi enregistrait une augmentation de 7,1 % du nombre d’inscriptions, due à des fins de contrats, des fins de missions en intérim… Au total, « la France comptabilise 3 732 500 chômeurs de catégorie A (personnes sans emploi tenues d’effectuer des démarches de recherche, selon la définition de Pôle emploi, ndlr) », a indiqué Pôle emploi dans un communiqué fin avril.
Explosion du chômage dans les mois à venir
Dans le secteur aéronautique et automobile, des sous-traitants prévoient déjà de licencier massivement. Le 14 avril, le PDG de Daher, qui travaille avec Airbus, a ainsi évoqué dans un mail interne « un plan de survie »et « des mesures douloureuses et inédites » : 3 000 postes pourraient disparaître. Chez Sabena Technics, spécialisée dans la maintenance aéronautique, la perspective de près de 250 licenciements sur les sites de Dinard et Bordeaux a été évoquée. Dans la chaîne de meubles Alinéa, ce sont 2 000 postes qui risquent de disparaître. Plus d’un millier pour Naf-Naf et 6 000 pour la chaîne de magasins La Halle.
Malgré ces données, le gouvernement ne change pas sa ligne et continue de s’attaquer aux droits des travailleurs, en témoigne son refus d’annuler la réforme de l’Assurance-chômage – comme le revendique la CGT depuis des mois. La deuxième phase de la réforme, qui devait entrer en application le 1er avril, a été reportée à septembre. Elle modifie les règles de calcul de l’indemnisation, entraînant une baisse drastique des droits. De fait, le salaire de référence sera calculé, non plus sur les jours travaillés dans les douze derniers mois, mais sur l’ensemble de la période allant du début du premier contrat à la fin du dernier contrat signé dans les vingt-quatre derniers mois.
Par exemple, si une personne a travaillé six mois sur vingt-quatre, avec un salaire total de 7 200 euros, ce chiffre sera divisé par l’ensemble des jours de ces vingt-quatre mois. Avec cette mesure, l’indemnité médiane va passer de 905 euros à 708 euros, c'est à dire que plus de 50 % des personnes indemnisés toucheront moins de 708 euros par mois. Certes, en allongeant la période de référence, la réforme allonge la période d’indemnisation : les allocataires seront indemnisés plus longtemps, mais ils seront plus pauvres.
Déjà, la première phase de la réforme, entrée en vigueur le 1ernovembre, avait durci les conditions d’accès, portant de quatre à six mois le nombre de mois travaillés pour ouvrir des droits. Au 1er mars, 410 000 travailleurs précaires n’ont pas pu ouvrir ou recharger leurs droits suite à l’application de ces nouvelles règles. Dans les mois à venir, cette mesure risque de laisser sur le carreau nombre de saisonniers et de travailleurs précaires, intérimaires ou CDD, qui ont vu leur saison amputée et leurs contrats annulés par le confinement.
Cette situation est particulièrement grave pour les salariés de certains secteurs comme les hôtels, cafés, restaurants, l’événementiel, le tourisme et la culture mais elle n’épargne aucun travailleur précaire, dans toutes les industries, les services et même dans les services publics qui usent et abusent de contrats précaires.
La réforme ne peut être maintenue !
Dans ce contexte, il est urgent de revenir sur les réformes de l’Assurance-chômage :
- annulation du durcissement du seuil d’ouverture de droit depuis le 1er novembre 2019 ;
- annulation de l’allongement à six mois du seuil de rechargement ;
- annulation définitive de la dégressivité ;
- annulation de la mise en œuvre au 1er septembre du changement de mode de calcul de l’allocation, qui induirait une baisse pouvant aller jusqu’à 75 % des allocations mensuelles.
Nous demandons la prolongation d’un an des droits pour tous les travailleurs précaires, et le gel du décompte des droits pendant la période d’impossibilité de travailler, sans quoi de nombreux salariés inscrits vont se retrouver sans droits.
En effet, pour l’instant au 31 mai, même des personnes n’ayant pu travailler depuis mi-mars (et même début mars dans des secteurs comme l’événementiel) et n’ayant pas bénéficié de la prolongation des droits, vont se retrouver sans droits, ayant « consommé » leurs allocations journalières.
À terme, l’Assurance-chômage doit jouer pleinement son rôle en assurant un revenu de remplacement pour toutes celles et tous ceux qui sont privés d’emploi.
Nous exigeons une négociation avec le gouvernement pour la mise en place de ces mesures pour le régime général comme pour les annexes 8 et 10 (artistes et techniciens intermittents du spectacle), pour lesquelles les annonces d’Emmanuel Macron demeurent floues.
Témoignages :
(les prénoms ont parfois été modifiés à la demande des personnes ne souhaitant pas être identifiées par leurs employeurs potentiels)
- Valérie (intérimaire)
-
« Je travaille uniquement en extra dans la restauration événementielle pour des traiteurs, hôtels... et uniquement à la journée. Je ne peux pas bénéficier du chômage partiel car je n'étais pas en mission le 17 mars et pour une raison simple : toutes mes dates ont été annulées début mars quand il a été interdit de faire des manifestations de plus de 100 personnes.
N'étant pas en fin de droit, je suis en train d'utiliser mes allocations journalières, celles-ci ne seront pas prolongées du temps du confinement, et je ne pourrai certainement pas prétendre à un rechargement puisque je ne peux travailler… »
- Marie
-
« Je cherche du travail depuis bientôt trois mois. Je travaille dans le milieu culturel pour les musées, notamment comme scénographe ou coordinatrice d'expositions.
Ce secteur a été très touché par les diminutions de subventions ces dernières années et trouver un emploi pérenne est un parcours du combattant. Pour ma part, il me restera deux mois seulement pour retrouver un travail. J'en ai mis trois pour avoir une opportunité en me démenant 10 heures par jour tous les jours pour me repositionner rapidement. Perdre des mois d’indemnisation chômage en lien avec cette crise sanitaire est injuste car je devrai ensuite faire face à une crise économique dans un secteur déjà très touché. »
- Jeanne
-
« Je souhaiterais vous apporter le témoignage et le soutien de notre profession : guide conférencier.
Nous sommes employés essentiellement à la vacation par des employeurs privés (agences de voyage réceptives) pour conduire des visites guidées présentant le patrimoine français sous toutes ses formes (musées d'art, châteaux...) auprès de la clientèle internationale et locale.
Sans aucune garantie d'emploi, nous faisons partie de ces travailleurs précaires très touchés par la réforme du chômage. »
- Sophie
-
« Je travaille comme animatrice commerciale dans tous les secteurs de la grande distribution pour plusieurs agences de ventes et marketing. C'est un travail précaire fait de CDD, de saisonnalité et de moins en moins payé.
Je suis impactée par la réforme de l'Assurance-chômage entrée en vigueur en novembre dernier. Les droits ne sont plus rechargés pour les missions courtes. Mes missions d'animation pour les mois de mars et avril sont annulées. Je ne peux donc pas travailler vu la crise sanitaire. Je postule pour d'autres emplois saisonniers mais on ne sait pas ce que sera la saison estivale sur la côte landaise et le bassin d'Arcachon. »
- Catherine (saisonnière)
-
« Je suis une maman élevant seule mon enfant et fais les saisons d’hiver et d’été. Il m’a toujours été difficile de trouver du travail mais je me débrouille. J’ai même fait des ménages en emmenant ma fille pour ne pas avoir des frais de nounous en plus.
Depuis 2015, je fais de la vente à domicile en autoentrepreneur. J’ai épuisé mes droits le 24 novembre 2019. Heureusement, la saison a commencé, fin-novembre 2019.
Je suis allée me réinscrire et réponse : pas de droits, pas droit à l’ASS car il fallait le demander au moment de la fin de droits. Pas droit au RSA car j’ai trop épargné ! »
- Dorothée (référente de point de vente, saisonnière)
-
« Je travaille l'hiver de fin novembre à début mai (depuis plus de quinze ans) et embauchée en contrat journée sur les salons d'automne pour promouvoir la station, ce qui ajoute quelques heures de travail à la saison d'hiver. Il est fort possible que ces salons n'aient plus lieu l'automne prochain.
J’ai travaillé pour un hôtel de luxe, tout le mois de novembre 2019, à répondre aux demandes de réservation.
J’ai deux enfants dont un est collégien dyslexique, ce qui rend les cours encore plus compliqués mais on est dans la vraie vie, n'est-ce pas !
Soi-disant la réforme est décalée en septembre et que l'on pouvait être tranquille, mais il faut bien avoir 910 heures et ça, ça va être très compliqué.
Normalement, je devais avoir juste le compte, mais avec le chômage partiel, je vais perdre des heures et à mon avis je ne vais pas avoir mon quota d'heures. J'attends toujours désespérément ma fiche de paye pour faire le calcul
À savoir aussi qu'on ne prend pas ma fille à l'école car pas assez de place, je dois donc m'occuper de la continuité pédagogique, et que mon fils ne va aller que 2 jours par semaine au collège, le reste, c'est moi qui doit faire. Faire l'école à la maison, c'est vraiment un travail énorme, bien plus dur que d'aller travailler car je dois m'occuper de 2 enfants en même temps.
Quelque part, je suis écœurée que l'on me dise que je n'ai droit à aucune rémunération alors que l'Éducation nationale me demande de faire une partie de leur travail.
Avec une telle situation, c'est assez compliqué de retrouver un travail ! »
- Joël
-
« Je suis saisonnier dans une station du Cantal. Je suis conducteur de télésiège débrayable l'hiver et l'été, ça dépend des besoins (ouvrier maintenance des remontées mécaniques ou conducteur télésiège). Cela fait environ dix ans que je travaille en saison à cette station et vingt ans que je suis saisonnier tout court.
J'ai commencé les saisons vers l'âge de 20 ans après un Bac STI électrotechnique et deux ans de fac infructueuse. J'ai alors passé mon Bafa et j'ai commencé à travailler avec des structures accueillant des enfants (l’hiver dans les Alpes classe de neige et colo, au printemps classe verte, ferme pédagogique vers Saint-Chinian, l’été dans le Cantal et l’automne en ferme pédagogique), plus un peu de vendange et de service.
Vers 30 ans je suis revenu m'installer dans le Cantal. J'ai commencé à travailler à la station du Lioran, j'ai gravi les échelons (conducteur de téléski, puis de télésiège à pinces fixe puis débrayable). Je faisais hiver et été. J'ai rencontré ma conjointe, nous avons eu deux enfants (4 ans et 10 mois) et nous avons acheté une maison à proximité de la station. Du fait de ma situation de bi-saisonnier avec du chômage entre mes saisons, nous avons pu avoir un crédit à la banque pour la maison. Dans mon petit village (300 habitants) tous mes voisins ont un lien avec la station et avec le travail saisonnier, le village s'est beaucoup repeuplé de trentenaires qui ont eu des enfants qui remplissent l'école du village actuellement.
Je travaille suivant les saisons. Le début et la fin de mon contrat sont dépendants des conditions climatiques, cela varie donc chaque année. En règle générale, je travaille de mi-décembre à début avril l'hiver et l'été c'est plus approximatif, cela dépend des besoins de la station de mi-mai/juin à mi-septembre. Je travaille entre 39 et 45 heures par semaine, je gagne 12,50 euros brut de l'heure. Quand je suis au chômage, je reçois environ 1 200 euros net les mois à trente jours.
Avec la réforme du chômage que veut mettre en place le gouvernement, ce mode vie n'est plus viable. Comment expliquer cela à ma banque ? Elle qui m'a accordé un crédit car le fait d'être bi-saisonnier avec des périodes chômages courtes et à hauteur d'un Smic était considéré comme un CDI. Avec la réforme cela ne sera plus le cas. Le tourisme va mourir à petit feu avec la réforme, tout comme les petits villages, les petits commerces, les petites écoles, etc.
Merci Mme Pénicaud.
- Floriane (saisonnière 57 ans)
-
« Ma saison ne m’a pas permis d’acquérir de nouveaux droits mais il m’en reste un peu. Ils ont été prolongés jusqu’au 15 juin mais je n’ai rien au-delà. »
- Gwenaelle (saisonnière depuis 2007)
-
« J’ai fait 19 saisons, majoritairement dans le tourisme, l'hôtellerie et la restauration, sur des durées plus ou moins courtes (deux à sept mois) selon le secteur d'activité et la situation géographique du poste.
Cet été, contrairement à d'habitude, je souhaitais travailler uniquement sur des festivals afin de consolider mon réseau et d'avoir des opportunités pour des contrats en inter-saisons. Mais entre les annulations (Ardéchoise, Aluna), reports (festival de Thau) et attentes (Velovert, Climax) suite au contexte sanitaire, il va me falloir revoir ma copie.
Mais la situation dans l’hôtellerie restauration n'est pas mieux : les établissements ne sont pas encore ouverts et la saison d'été s'annonce de toute façon complexe. Certains ne pourront rouvrir leurs portes, d'autres ne pourront financièrement pas se permettre une embauche, la plupart ne savent pas comment se projeter pour les embauches et demandent d'attendre… Les traiteurs voient leurs commandes s'annuler (mariages, repas de famille, fêtes de village, salons…) et reviennent donc sur les promesses d'embauche en extra.
Je pense à beaucoup d'amis saisonniers qui se retrouvent dans des situations inextricables entre la réforme du chômage et les répercutions économiques du Covid-19. »


Contacts :
- Relation Presse CGT
-
Téléphone :06 80 62 02 74
Mail : presse@cgt.fr
- Responsable CGT assurance chômage : Denis Gravouil
-
Téléphone : 06 80 26 72 77
Mail : d.gravouil@fnsac-cgt.com
- CGT commerce : Stéphane Fustec
-
Téléphone : 06 13 61 28 86
Mail : fustec@free.fr
- CNTPEP CGT : Pierre Garnodier
-
Téléphone : 06 14 54 55 66
Mail : p.garnodier@cgt.fr
- CGT-Interim : Laetitia Gomez
-
Téléphone : 07 69 32 20 38
Mail : lgomez@cgtinterim.org
- CGT saisonniers AURA : Antoine Fatiga
-
Téléphone : 06 80 72 09 45
- FNITEC : Patrick Pavesi
-
Téléphone : 06 63 33 82 41
Mail : pepe62@sfr.fr
- Collectif CPHRE : Ahcene Azem
-
Téléphone : 06 15 63 40 67
Mail : cphre2020@hotmail.com
- Collectif OPR : François Choux
-
Téléphone : 06 76 50 69 18