Prostitution : la loi abolitionniste confortée

Publié le 26 Juil. 2024
Temps de lecture : 3 min.
C'est avec soulagement que nous avons accueilli, hier, la décision de la Cour Européenne des Droits Humains (CEDH) qui a rejeté à l’unanimité la requête visant à supprimer l’interdiction en France d’achat d’actes prostitutionnels. Cette requête avait été déposée en 2019 par le lobby du « travail du sexe », après avoir essuyé des défaites juridiques en France et épuisé toutes les voies de recours au niveau national. Cette décision a été rendue malgré une campagne politique et de communication de grande ampleur qui montre les intérêts financiers en jeu.

La CGT, en tant qu’organisation féministe, antiraciste et de luttes de classes, ne peut que s’associer à la joie du mouvement abolitionniste dont elle partage depuis de longues années le combat pour en finir avec cette violence extrême qu’est la marchandisation du corps des plus vulnérables.
Nous nous en félicitons d’autant que la CEDH a relevé que la loi abolitionniste de 2016 était un ensemble cohérent, construit à l’issue d’un long processus démocratique et sérieux, visant à améliorer l’accès aux droits et à la santé pour les personnes prostituées. 
Elle a souligné que la violence était inhérente à la prostitution et non à la loi et que rien n’indiquait que la pénalisation des « clients » aurait un effet négatif sur la situation des personnes en prostitution. La Cour a bien compris que parallèlement à la dépénalisation des personnes en prostitution, c’est la pénalisation des prostitueurs, proxénètes ou « clients », qui permet de renverser le rapport de force en faveur des victimes de la prostitution. Ce volet, essentiel dans le dispositif, est très décrié tantôt au nom d’un discours libéral qui invoque la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle, tantôt au nom d’un discours pseudo progressiste qui détourne les concepts de « liberté sexuelle » et de « liberté à disposer de son corps ». 
A l’inverse, la CEDH a salué la volonté de lutte contre les stéréotypes portée par la loi de 2016, consciente que c’est toute la question de l’égalité femmes-hommes qui est concernée.

Certes, la Cour a déploré l’insuffisance des moyens mis en œuvre par le gouvernement français pour rendre la loi d’abolition plus efficace mais c’est aussi ce que nous dénonçons régulièrement : ce n’est pas la loi qui pose problème mais le manque de moyens déployés, ses limites et son application insuffisante.

La CGT ne cesse d’attirer l’attention sur la dangerosité des discours visant à banaliser la prostitution. En faire un « travail comme un autre » revient à dégrader la conception du travail que nous défendons, à accepter la création d’un salariat de seconde zone, dépourvu des protections les plus fondamentales en matière de santé, sécurité, rapport de subordination… Un salariat ne relevant pas des législations qui interdisent harcèlement et violence dans le monde du travail.
Un salariat constitué évidemment des personnes les plus vulnérables : migrantes, minorités ethniques, handicapées, mineures, etc. 
Les dominants ont toujours cherché à exploiter le pseudo « consentement » des dominé·es au détriment de la société tout entière. Ce qui peut sembler nouveau, c’est leur capacité à travestir une idéologie de domination en idéologie soi-disant progressiste. Et pourtant, ce processus qui se répète aujourd’hui, on l’a déjà vu à l’œuvre dans les années 30 !

Il nous revient de démasquer les Chevaux de Troie avant qu’il ne soit trop tard…porter comme nous le faisons l'application pleine et entière de la loi de 2016 et exiger des moyens en suffisance pour prévenir, éduquer, former, lutter contre les réseaux et accompagner la sortie des survivant·es de la prostitution.

Pour lire le communiqué commun signé par la CGT : La CEDH conforte la loi française. Une victoire pour toutes les femmes ! (cap-international.org)

Montreuil, le 26 juillet 2024