NON-RECONNAISSANCE DU TRAVAIL DE NUIT

Publié le 24 oct. 2019
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Le Gouvernement offre au patronat un précédent dans la non-reconnaissance du travail de nuit ! Le ministère du Travail soumet, aujourd’hui, pour avis à la Commission nationale de négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle, un projet de ratification de la loi « liberté de choisir son avenir professionnel ».

À cette occasion, le ministère compte faire passer une disposition abandonnée lors de la bataille contre la loi travail, afin de permettre aux entreprises de commerce alimentaire de déroger aux seuils habituels de déclenchement des heures de nuit, comme stipulé dans la convention collective de la grande distribution (Art 5.12.1 : « Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit. Une autre période de 9 heures consécutives comprises entre 21 heures et 7 heures  – comprenant donc nécessairement l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures – peut être fixée par accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, après consultation des institutions représentatives du personnel. »)
Certains secteurs, comme la presse, le spectacle, les discothèques, la radiodiffusion… autorisent déjà le déclenchement des heures de nuit à partir de minuit, en raison de la spécificité de l’exercice de leur activité. Quelle logique de « continuité d’activité » ou de « service d’utilité sociale » avec le secteur du commerce alimentaire, si ce n’est celle d’échapper à la qualification de travail et de « travailleur de nuit » et aux faibles encadrements et dispositions prévus par la loi ? Quelle logique, si ce n’est celle de « favoriser leur croissance », en encourageant les commerces alimentaires à ouvrir jusqu’à minuit ? Quel autre secteur économique voudra s’engouffrer dans cette nouvelle brèche ?
Cette disposition va toucher les salariés les plus précaires qui, de ce fait, n’auront pas la possibilité de refuser qu’on leur impose de nouveaux horaires de travail. Ce sont majoritairement des femmes en charge de famille ou des salariés à temps partiel…autant dire que cette décision n’est pas sans conséquence tant sur le salaire que sur la calcul de leur future pension de retraite.
D’ailleurs, cette disposition ne peut que nous interroger quant à la vision du gouvernement et du patronat sur la prise en compte de la pénibilité dans le cadre de la future réforme du système de retraite.
Le projet de loi renvoie dans les entreprises ou à défaut dans les branches les négociations concernant la définition du travail de nuit et ses contreparties. La marge de négociation sera mince pour les organisations syndicales, alors que le ministère du Travail vient de faire pencher la balance du rapport de force en faveur des entreprises de la grande distribution. Et même si des dispositions compensatrices sont obtenues dans les négociations de convention collective de branche, les entreprises pourront y déroger par accord collectif.
Le travail de nuit doit être justifié par « la nécessité d’assurer la continuité de l’activité » de l’entreprise ou d’assurer un « service d’utilité sociale ». Pour la CGT, l’activité des commerces d’alimentation ne justifie en rien une mesure qui aura des impacts sur la santé et les conditions de travail des salariés.
Voilà une nouvelle illustration du dialogue social tel que le Gouvernement l’entend. Rien d’étonnant de la part d’un ministère qui a désavoué ses propres agents à l’occasion de l’utilisation du droit de retrait par les cheminots et qui entend supprimer le Haut conseil au dialogue social.

Montreuil, le 24 octobre 2019

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