Lutter contre les discriminations à l’embauche : l’insuffisance du nouveau projet de loi sur le testing
En effet, ni le testing (individuel ou statistique) généralisé ni la pratique du « name and shame » ne règleront les problèmes de discriminations systémiques. Quand bien même, le testing individuel permet (déjà) une poursuite au pénal de l’employeur, on voit mal comment les services de la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (Dilcrah) auraient les moyens de ses ambitions.
En tout état de cause, les services de l’inspection du travail, s’ils devaient être sollicités dans l’accomplissement de cette nouvelle mission, ne pourraient s’en acquitter efficacement tant ceux-ci souffrent d’un manque d’effectifs criant.
Si la CGT est favorable à la multiplication des testings, c’est à la condition que les syndicats y soient aussi concrètement associés.
Pour sortir de l’impasse, la CGT propose donc :
que ces testings soient confiés non pas à un service rattaché au Premier ministre mais à un organisme impartial et indépendant – tel le Défenseur des droits – comprenant des syndicats représentatifs au niveau national ;
la mise en place d’un registre des embauches et des candidatures accessibles aux syndicats et instances représentatives du personnel et l’attribution d’heures de délégation supplémentaires aux instances représentatives du personnel pour vérifier ce registre ;
la possibilité, pour les syndicats, de demander des testings au niveau de l’entreprise ou de la branche ; en cas de testing positif, que les instances représentatives du personnel et les organisations syndicales puissent intervenir dans la définition d’un plan de lutte et, dans cette optique, disposent de moyens humains et heures de délégation supplémentaires pour travailler sur ces sujets et élaborer des objectifs concrets à atteindre ;
la formation obligatoire de l’ensemble des travailleurs et travailleuses, y compris des services RH pour lutter contre les stéréotypes et les discriminations ;
l’utilisation du CV anonyme dans la première phase des recrutements.
Aussi, la CGT restera vigilante sur les tests statistiques que la Dilcrah pourrait sous-traiter à des associations, cabinets d’avocats, entreprises spécialisées dans les testings, tout d’abord parce qu’un testing sur un critère de discrimination financé par de l’argent public coûte en moyenne 100 000 euros et que les données recueillies par des acteurs autres que la Dilcrah peuvent être très sensibles et ne doivent surtout pas aboutir à des statistiques ethniques.
Ces propositions seront bien plus efficaces que la proposition de loi qui va être examinée. Car celle-ci ne sera suivie d’aucun changement significatif : soit que les entreprises seront très peu nombreuses à être sanctionnées faute de moyens et de volonté politiques, soit que le montant de la pénalité encourue ne les inquiétera pas, soit que leur service de communication saura, si nécessaire, redorer leur image (en cas de testing statistique et de name and shame).
Montreuil, le 6 décembre 2023