LPPR : inacceptable sur la forme comme sur le fond !

Publié le 12 juin. 2020
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Plus de 16 mois après le lancement du chantier de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) par le Premier ministre et alors que le président de la République avait indiqué, au tout début du confinement, que les réformes structurelles étaient suspendues, le gouvernement convoque, en urgence et dans la précipitation, les instances de l’enseignement supérieur et de la recherche et réunit le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, ce vendredi 12 juin.

Le gouvernement a choisi de rendre public ce texte au pire moment. En effet, ces derniers mois, les personnels du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ont pas ménagé leurs efforts,  dans les laboratoires et les universités, dans une situation compliquée pour tous, pour maintenir les missions dans des conditions dégradées et difficiles. Le mois de juin est une période de sessions d’examens et de préparation des conditions de la rentrée pour les universités, plus encore en cette année particulière. Comme pour le reste des activités, la crise sanitaire a mis à rude épreuve les étudiants et les personnels. Les moyens manquent pour gérer l’existant. Les laboratoires et les universités se réorganisent et comptabilisent les moyens nécessaires en raison de l’impact de la crise. Et, les conditions de consultation, donc de mobilisation et de rassemblement des personnels et des étudiants sont aussi, bien évidemment, fortement entravées par les dispositions d’urgence.
Et pourtant,  les organisations représentatives du secteur comme le reste des acteurs sociaux ont été convoqués dans la précipitation et ont reçu le texte non négocié au préalable dimanche 7 juin, 5 jours avant la tenue du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce n’est pas la conception du dialogue social que la CGT réclame. Ce n’est pas, disons-le clairement, les conditions d’un dialogue social que mérite un pays démocratique. La CGT condamne donc ce passage en force.
 Alors que le texte n’était toujours pas dévoilé et que la communauté scientifique et les organisations syndicales ont interpellé, pendant plusieurs mois, le gouvernement sur les orientations catastrophiques qui semblaient se dessiner, il leur a été répondu que les craintes étaient infondées. Or, ce projet de texte vient confirmer que les craintes de la communauté scientifique étaient totalement justifiées.
Ce projet de loi de programmation budgétaire n’est pas que budgétaire. La LPPR consolide et étend des orientations qui transforment structurellement la recherche. Elle poursuit la fragilisation de la recherche publique et de l’enseignement supérieur. Et, par conséquent, aussi la R&D des entreprises.
Sur le plan budgétaire, en dépit des belles paroles de la ministre Frédérique Vidal – qui parle de 4ème grande réforme de la Vème République –, cette loi n’a aucune ambition puisqu’elle reporte un objectif de 3% d’effort national de recherche que la France s’était fixé en 2010 à atteindre en 2030 et plus.
Les montants pour 2021 sont ridiculement bas et pas du tout à la hauteur d’une urgence budgétaire ! Les 5 milliards d’euros d’augmentation budgétaire annuelle projetés pour 2030 dans le projet de loi sont en deçà des besoins pour atteindre l’objectif du 1% du PIB pour la recherche publique. À l’heure du plan de relance et des projets de loi de finances rectificatifs qui se succèdent – où s’alignent des sommes en centaines de milliards –, la France envisage à peine de consacrer un accroissement de 357 millions d’euros (mais, en réalité, 104 ) en 2021, pour sa recherche publique. Ce n’est pas sérieux.
C’est un projet dangereux qui confirme un modèle de recherche et d’enseignement supérieurs construit sur la mise en concurrence, renforçant les inégalités et essentiellement piloté à partir de projets de court terme.
Alors que les besoins d’emplois sont criants dans les universités et dans les laboratoires, que l’aspiration à la stabilité et à la sécurisation des emplois est exprimée avec force par les personnels, le projet de loi multiplie les formes d’emplois insécurisées, en introduisant notamment le CDI de projet dit de mission scientifique et s’attaque au statut en proposant le Tenure Track, un accès dérogatoire aux postes statutaires.
Quant aux salaires, mis à part le relèvement du début de carrière du chercheur et de l’enseignant-chercheur qui ne les amène toujours pas au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE, le ministère affiche un refus dogmatique d’une revalorisation indiciaire et développe les primes variables et l’intéressement pour piloter les orientations.
Pour la CGT, l’urgence est à un investissement immédiat d’ampleur pour mettre au niveau l’effort national de recherche, à 1% du PIB pour la recherche publique.
Ce sont donc 6 milliards d’euros que le gouvernement devrait programmer de suite.
La pandémie est venue démontrer les failles qui résultent des politiques de sous-investissement dans la recherche et dans notre industrie, ainsi que dans les services publics. Notre vulnérabilité n’est pas fatale. Ce que l'on peut retenir, c'est que les économies de dépenses publiques dogmatiques se paient au centuple, sur le plan économique et sur le plan social.
Pour la CGT, il faut un choc d’investissement. Il faut démultiplier l’effort de recherche et les dépenses publiques de recherche à un niveau bien supérieur.
L’enjeu de la recherche est essentiel et les plans de relance discutés aujourd’hui ne seront pas ambitieux sans un investissement important dans la recherche tout de suite et sans efforts financiers supplémentaires de la part des entreprises. Cela nécessite donc aussi un investissement en recherche important de la part du tissu industriel français, une mise à plat des interfaces de transfert et des aides publiques à la recherche privée.
Le projet de loi LPPR gouvernemental ne répond clairement pas à cet impératif et à cette ambition. Le gouvernement doit retirer ce projet.
La CGT défend une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui :

  • démultiplie l’effort de recherche et accroit les dépenses publiques de recherche à la hauteur des besoins et des ambitions du pays ;
  • renforce réellement les financements de base des laboratoires et les emplois statutaires ;
  • améliore les conditions d’embauche des jeunes diplômés, revalorise les grilles de salaires, optimise les déroulements de carrières et résorbe la précarité explosive ;
  • crée les conditions pour que la recherche publique, tout en gardant son indépendance et sa rigueur, puisse irriguer au mieux les activités de travail de la société et incite fermement le tissu industriel français à investir dans la recherche.

Montreuil, le 12 juin 2020

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