Le droit du travail ne doit pas s’arrêter aux portes des prisons !

Publié le 18 mai. 2021
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Lundi 17 mai, ont débuté les débats, à l’Assemblée nationale, sur le projet de loi pour la confiance dans la justice qui comporte notamment un volet sur le travail en détention.

En milieu carcéral, plusieurs situations d'emploi existent : l'administration peut directement employer des personnes détenues pour son compte mais il est également possible de travailler pour des entreprises privées, via des contrats de concession par exemple.
Jusqu’alors, le statut des travailleurs et travailleuses détenu·e.s est totalement dérogatoire au droit commun du travail : salaire très faible (le Smic ne s'applique pas), pas de protection sociale (ni chômage, ni indemnisation des accidents du travail ou d'arrêt maladie), conditions de travail souvent mauvaises et, pire encore, octroi ou refus d’un travail peut devenir un outil de discipline pour l’administration pénitentiaire.
Pourtant, au-delà de son rôle essentiel dans la réinsertion future, le travail en prison est indispensable pour les personnes détenues notamment pour soutenir financièrement leur famille mais, aussi, avoir accès à des produits de base en prison (produits d'hygiène, produits alimentaires, tabac, journaux, etc.) ainsi qu’indemniser les victimes.
C’est pourquoi la CGT réclamait, depuis longtemps déjà, une réforme en profondeur du statut de travailleur·euse en prison et c’est d’ailleurs la seule confédération syndicale à s’être exprimée sur ce sujet. En effet, à l'image du dogme qui impose de faire croire que c'est la rigidité du code du travail qui fait augmenter le chômage, la CGT s'oppose fermement aux tentatives de dumping social faisant des détenu·e.s des « sous-salarié·e.s ». Il faut reconnaitre le droit au travail, un salaire minimum, une formation qualifiante, la totalité des droits sociaux attachés au salaire.
Dans cette perspective, la CGT ne peut que saluer ce projet qui comporte indéniablement des avancées : fin de l’acte unilatéral d’engagement et signature d’un contrat d’emploi pénitentiaire qui peut être à durée indéterminée, durée légale de travail de 35h, majoration des heures supplémentaires, temps de pause légal de 20 minutes toutes les 6 h, ouverture des droits sociaux (retraite, maladie, maternité, assurance chômage).
Le projet prévoit des dispositions sur le principe de la mixité des activités et la lutte contre les discriminations et les violences envers les femmes. Ce processus ne peut faire l’économie des enjeux de mixité pour les surveillant.e.s pénitentiaires, rare exception au principe d’égalité d’accès à l’emploi public dans la Fonction publique avec un quota de recrutement de maximum 15% de femmes.
Pour autant, ce projet ne va clairement pas assez loin, encore trop de dérogations au droit du travail sont prévues ! D’ailleurs, le renvoi au code du Travail est quasiment inexistant dans ce projet de loi ! Ainsi, on peut dénoncer l’absence de véritable « contrat de travail », de garantie sur le Smic, de congés payés, la non-majoration des jours fériés. De plus, des zones d’incertitudes demeurent puisque de nombreuses dispositions sont renvoyées aux décrets ou à l’adoption par ordonnances. Il ne faudrait pas que cela soit finalement qu’un effet d’annonce illustrant une coquille vide !
Plus fondamentalement encore, ce projet de loi ne vient pas renverser le dogme régressif qui fait du travail en détention un outil de gestion disciplinaire et un outil de flexibilité du travail ! Ainsi, le déclassement au travail comme sanction disciplinaire et la flexibilité du temps de travail en fonction des besoins de l’employeur seront toujours possibles !
Enfin, ce projet n’ouvre pas véritablement les portes de la prison aux inspecteurs et inspectrices du travail alors qu’ils et elles devraient avoir la charge de veiller au respect des droits de ces travailleurs et travailleuses ; encore faudrait-il qu’ils et elles aient les moyens d’assurer dignement leurs missions pourtant essentielles.
Pour la CGT, hors de question que la prison rime encore avec la création d’un sous statut des travailleur·euse.s détenu·e.s et l’indignité des conditions de travail des personnels pénitentiaires. C’est, au contraire, en mettant fin véritablement à la surpopulation pénale, en faisant de la prison l’exception que les droits fondamentaux de tous ces travailleurs et travailleuses pourront enfin être respectés. Vite, le temps presse !

Montreuil, le 18 mai 2021