Directive européenne sur le Travail via une plateforme numérique : un point d’appui pour les travailleur·es !
Ce mardi 12 décembre 2023, avait lieu une nouvelle réunion entre les législateurs européens sur le projet de Directive relatif au Travail via une plateforme numérique. Ils sont parvenus à un accord politique dont le texte final n’a pas encore été rendu public.
Pour autant, cet accord contient d’ores et déjà plusieurs éléments qui constituent un point d’appui pour les quelques 5,5 millions de travailleur·es de plateformes sur 28 millions en Europe, encore aujourd’hui, injustement qualifié·es d’indépendant·es :
- une présomption de salariat : principal point de crispations lors des négociations, elle devra être déclenchée par le/la travailleur·e, en satisfaisant à deux « indicateurs » sur les cinq retenus par le texte ;
- l’inversement de la charge de la preuve : il reviendra à la plateforme d’apporter la preuve qu’elle n’est pas employeur ;
- des inspections sur le lieu de travail : en cas de reclassement d’un travailleur·e en tant que salarié·e, les autorités devront obligatoirement examiner la situation de ses collègues travaillant pour la même plateforme, afin de vérifier si eux/elles aussi ne devraient pas être relcassé·es ;
- l’interdiction des licenciements automatisés par les algorithmes (sans contrôle humain) ;
- l’information des travailleur·es sur le fonctionnement de la gestion algorithmique ;
- l’interdiction du traitement de certaines données à caractère personnel dont les conversations privées ou encore celles permettant le profilage.
Cet accord politique constitue une avancée pour les droits sociaux de ces travailleur·es et un véritable camouflet pour le gouvernement. En effet, ce dernier souhaite toujours mettre en place un troisième statut trompeur, intermédiaire entre le salariat et le travail indépendant, visant avant tout à priver de droits des travailleur·es exploité·es par des plateformes avides de profits.
Les tentatives du gouvernement de mettre en place un modèle de « dialogue social » propre à certaines plateformes, comme c’est le cas dans la livraison et le transport de personnes, sont en effet infructueuses lorsqu’il s’agit de créer des droits nouveaux pour les travailleur·es de plateformes.
Au contraire, la volonté du gouvernement français d’entériner une perte de droits pour l’ensemble des travailleur·es entre maintenant en contradiction totale avec ce compromis politique.
La mobilisation des travailleur·es notamment, par la grève, dans le secteur de la livraison, des 2 et 3 décembre derniers, aura bel et bien permis de faire bouger les lignes.
Cependant, par sa position ultra minoritaire en Europe, le gouvernement français s’obstine toujours à vouloir faire obstacle à une directive progressiste et ambitieuse sur ce sujet.
La CGT l’exhorte à cesser cette attitude néfaste qui prive des millions de travailleur·es de leurs droits les plus élémentaires, en prévision du vote des États membres sur ce texte, le 20 décembre 2023.
Plusieurs zones d’ombres restent toutefois à éclaircir. La CGT continue, en effet, de porter les questions de la rétroactivité des droits pour les travailleur·es injustement considéré·es comme indépendant·es, des garanties de maintien dans l’emploi et de régularisation des travailleur·es en situation irrégulière.
Loin d’être gagnée, la bataille se poursuivra dans le cadre de la transposition, puisqu’une fois adoptée par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, les États membres auront deux ans pour mettre leur législation en conformité avec cette directive.
La CGT exigera du gouvernement la mise en œuvre de l’ensemble des droits octroyés dans cette directive dans le sens le plus favorable possible aux travailleur·es.
Elle veillera aussi, tout particulièrement, à ce qu’il ne soit octroyé aucune alternative permettant aux plateformes d’échapper à leurs nouvelles obligations. Ceci afin d’assurer aux travailleur·es la pleine et entière jouissance de leurs droits dont les plus essentiels, une protection sociale de qualité ainsi que des conditions de travail et de rémunération décentes.
Montreuil, le 19 décembre 2023