De quoi France travail est-il le nom ? Premier point d’étape…

Publié le 13 jan. 2023
Temps de lecture : 4 min.
Après France Compétences, France Services, au printemps dernier, le président-candidat promettait la création de France Travail comme moyen d’arriver au plein-emploi… Si sa priorité a d’abord été de massacrer nos droits à l’assurance-chômage, chose faite par le parlement qui a permis la réduction de 25% de la durée des droits à partir du 1er février 2023, le projet France Travail revient à l’agenda. Le gouvernement a lancé une concertation avec des groupes de travail saucissonnés dans lesquels les organisations syndicales sont mises sur le même plan que les associations d’insertion, les départements ou bien encore l’APEC (association pour l’emploi des cadres) et les Missions Locales pour l’emploi des jeunes…

Arguant de « co-construction », le ministère du Travail dévoile peu de choses de ses intentions : faire de France Travail l’outil central du soi-disant plein-emploi et imposer des activités aux allocataires du RSA. Le patronat applaudit, tout comme certains départements ou régions. Les entreprises privées de formation ou de travail temporaire se frottent déjà les mains, en imaginant les marchés liés aux contreparties mises en place pour les ayants droit au RSA.
Après plus d’une vingtaine de réunions, la seule certitude que l’on a c’est que Pôle Emploi va être transformé en France Travail qui deviendra le passage obligé de tous les travailleurs sans contrat stable. Un algorithme dirigera les dossiers vers tel ou tel opérateur chargé de l’accompagnement.
Nous sommes très loin du grand service public de l’emploi et de l’insertion, doté de moyens suffisants pour répondre à tous les besoins, notamment en emplois statutaires. Et encore très loin d’une politique du droit au travail par la réduction du temps de travail, la réindustrialisation, la transition écologique, comme le revendique la CGT.
Pour résumer, France Travail ressemble à un cauchemar technocratique et libéral qui prétend faire des miracles avec :

  • un accueil d’entrée entièrement numérique, au détriment du besoin de relations humaines ;
  • une réforme sans moyen, voire même pour générer des économies (le gouvernement vient, d’entrée, de supprimer 190 millions d’euros du budget de Pôle Emploi). Cela pose des questions pour les emplois, même des agents des services concernés ;
  • une centralisation à Pôle Emploi transformé en France Travail qui ouvrira ou fermera le robinet des données vers les autres opérateurs (missions locales, Apec, Agefiph, etc.) et pourra les mettre en concurrence avec des opérateurs privés ;
  • un gros risque sur l’utilisation voire la privatisation des données les plus sensibles, notamment de publics fragiles, par exemple en situation de handicap ;
  • l’extension des contraintes imposées aux usagers de Pôle emploi à tous les allocataires des minima sociaux. Les personnes seront tenues d’effectuer entre 15 et 20h d’activités par semaine (obligatoires ? rémunérées ? au profit de qui ? avec quelles sanctions ?).

On le voit donc, des deux côtés du guichet, France Travail va ouvrir une nouvelle période de turbulences. Plus que jamais, il va falloir œuvrer ensemble, notamment lors des expérimentations en territoire, pour peser le plus possible sur les cahiers des charges de ce qui sera demandé aux précaires et privés d’emploi. Alors que le Ministère a reporté à fin janvier 2023 les conclusions des travaux sur France Travail suite au Comité des Parties Prenantes du 3 janvier, Olivier Dussopt a annoncé les 19 départements retenus pour les expérimentations BRSA devant débuter au 1er mars 2023 : Aisne, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Côte-d’Or, Creuse, Eure, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Mayenne, Métropole de Lyon, Nord, Pyrénées-Atlantiques, Réunion, Seine-Saint-Denis, Somme, Vosges, Yonne et les Yvelines. Il faudra, aussi, défendre nos visions du service public de l’emploi et de la formation professionnelle.
La CGT maintient sa revendication principale de non-déploiement de ces expérimentations sur le RSA. Contraindre les personnes aux RSA à être accompagnées dans la perspective d’un retour rapide à l’emploi ne correspondant ni à leur choix, ni à leur qualification, ni à leur problématique sociale et, le tout, sous menace de sanctions, est inadmissible. Les personnes aux RSA ne sont pas une main d’œuvre corvéable à merci assujettie aux besoins du patronat.
Déjà, par leur mobilisation, la CGT et les travailleurs sociaux de l’Ardèche ont réussi à faire reculer le Conseil Départemental qui voulait entrer dans cette logique d’expérimentation punitive. Aujourd’hui, c’est en Seine-Saint-Denis qu’une même mobilisation se développe.
La CGT appelle le gouvernement à sortir du bois sur ses projets et à renoncer au pire.
Elle revendique les moyens pour un véritable service public et pour un plan d’accompagnement, plutôt que de coercition contre les travailleurs privés d’emploi.

Montreuil, le 13 janvier 2023