CPF : le gouvernement fait une nouvelle fois payer aux salariés « la fin de l’abondance »

Publié le 13 déc. 2022
Temps de lecture : 3 min.
Samedi dernier, le gouvernement a déposé un amendement scandaleux, réduisant l’accès des salariés au droit qu’est le compte personnel de formation (CPF). En instaurant un reste à charge pour les salariés faisant une demande de financement d’une formation dans le cadre de ce dispositif, le gouvernement attaque un droit opposable et attaché à la personne. Le gouvernement justifie cette disposition prise en catimini par la nécessité de faire des économies budgétaires… sur le dos des salariés !

L’écosystème de la formation connaît certes une importante crise financière structurelle. France Compétences, organisme de gouvernance de la formation professionnelle, cumulera un déficit abyssal de plus de 9 milliards d’euros fin 2022 (et cela malgré 6,75 milliards de dotations exceptionnelles de l’État ces deux dernières années). Sans ces dotations exceptionnelles, le déficit structurel de l’institution serait aujourd’hui de plus de 16 milliards d’euros. Et, pour l’année 2022, France Compétences aurait payé environs 56 millions de frais d’emprunts bancaires.
Depuis 2014, le manque à gagner dû à la baisse des contributions des entreprises est criant.
Une mission des inspections des affaires sociales et des finances a, par ailleurs, fait apparaître en 2020 que la réforme de 2018 n’était pas financée. Cela s’est depuis accentué, alors que le gouvernement a mis en place des aides sans conditionnalité aux entreprises, rendant gratuite l’embauche d’un apprenti et ayant produit une appétence massive pour le recrutement de jeunes sous ce dispositif. Sur les 14 milliards d’euros de budget de France Compétences, le financement de l’apprentissage représentait près de 10,5 milliards en 2022. Chiffre auquel il faut ajouter 4 milliards d’euros d’aides aux entreprises, financées hors budget de France compétences. Plutôt que d’imposer des critères sociaux pour les aides à l’apprentissage, le gouvernement préfère raboter les droits des salariés, alors que le CPF ne représente que 2,7 milliards d’euros dans le budget de France Compétences.
Cette mesure ne s’appliquera pas, heureusement, aux salariés privés d’emploi. Mais, le dispositif est géré via une application qui ne permet pas d’exclure de l’obligation de reste à charge les salariés les plus précaires : temps partiels, bas salaires, bas niveaux de qualification… Un salarié gagnant plus de 4000 euros aura le même reste à charge qu’un autre à temps partiel payé au Smic ! La décision du gouvernement en est d’autant plus scandaleuse.
Celui-ci serait bien inspiré de mieux encadrer le dispositif afin de garantir qu’il reste bien à la main du salarié et non pas du patronat, comme il tend à le devenir, au nom du sacro-saint adéquationnisme emploi-formation.
Les pressions se multiplient, en effet, dans les entreprises pour que les salariés utilisent leur CPF pour des formations obligatoires relevant de la responsabilité des employeurs. Des mesures immédiates doivent être prises pour l’interdire.
Cet amendement gouvernemental, entériné par un nouveau 49.3, est bien une disposition qui va davantage peser sur les salariés les plus précaires. Elle doit être retirée immédiatement.
Il est temps qu’une réforme de progrès social soit rapidement mise en place, permettant la montée en qualification du salariat, pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux, sortant la formation professionnelle et l’apprentissage de la marchandisation et reposant sur une augmentation importante des contributions des entreprises.

Montreuil, le 13 décembre 2022