Revaloriser le SMIC, c'est tasser les grilles de salaires ?
Déjà en 2015, l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion (Onpes) évoquait un manque de 300 € par mois, situant la nécessité d’un salaire minimum pour vivre à environ 1 500 €. Cependant, si la revendication d’une véritable revalorisation du Smic parait légitime, de nombreux salariés craignent l’alignement de leur rémunération sur le salaire minimum.
Un effet d’entraînement grippé...
En effet, quand le Smic augmente, même de quelques centimes, la revalorisation n’est pas automatique sur l’ensemble des grilles de salaires. Selon le rapport des experts sur le Smic de 2017, une hausse de 1 % du Smic brut se traduit par une hausse du salaire moyen de seulement 0,14 % dont seulement 0,04 % par la revalorisation des minima de branche. Et l’effet d’entraînement est d’autant plus limité que la revalorisation du Smic est faible.
Légalement, les branches professionnelles ont l’obligation d’ouvrir, au moins une fois par an, des négociations sur les salaires, mais pas celle d‘aboutir à un accord. Généralement, l’adaptation des grilles de salaires des conventions collectives vise les premiers coefficients, pour une mise en conformité avec le Smic, sans renégociation globale de la grille. D’après les études officielles du ministère du Travail, l’impact est temporaire et concentré sur les salaires proches du Smic. La diffusion décroît rapidement et s’atténue considérablement au-delà de 1,5 Smic.
... qui bloque les déroulements de carrière...
Au fur et à mesure, de plus en plus de salariés voient leur rémunération s’aligner sur le Smic. Les mesures d’exonérations de cotisations centrées sur les bas salaires encouragent cette politique salariale.
Mécaniquement, avec le blocage ou la faible revalorisation de l’ensemble de la grille, une revalorisation du Smic resserre les écarts de salaire entre les bas salaires et le salaire médian, mais ne se traduit pas par une hausse du salaire médian.
Résultat, même si le patronat s’efforce à maintenir une hiérarchie (même réduite) des salaires, l’amplitude des déroulements de carrière est réduite. De nombreux salariés, en particulier dans les métiers à prédominance féminine, subissent un plancher collant du Smic et ne connaissent quasiment aucune revalorisation salariale pendant leur carrière.
... et dévalorise les qualifications.
De plus, le blocage des grilles de salaires tourne le dos au paiement des qualifications. Dans la métallurgie, le salaire d’un BTS a été dévalué de près de 50% en trente ans. Les jeunes enseignants sont passés d’un salaire équivalent à 2,3 Smic en 1980 à un salaire à peine au-dessus du Smic aujourd’hui (1,2 Smic).
Dans le privé comme dans le public, les grilles de salaires ou de traitement ne prennent pas suffisamment en compte l’évolution des métiers et du salariat au regard des bouleversements des organisations du travail et de l’extension des qualifications.
À cela, s’ajoute l’instauration des mécanismes d’individualisation de rémunération qui a progressivement bouleversé les repères salariaux et de classification. Ce n’est donc pas la hausse du Smic qui tasse les échelles salariales et étouffe les perspectives d’évolution, mais bien les politiques d’austérité salariale.
Renégocier les grilles de salaires
Au-delà du Smic, dont le montant est suffisant pour une existence normale et reconnaît le travail effectué par un salarié sans qualification, la rénovation et la réévaluation des grilles de salaires est indispensable pour assurer la reconnaissance des qualifications et assurer un déroulement de carrière à tous les salariés.
Dans ce sens, la CGT propose de restaurer dans les branches, les entreprises et les administrations une hiérarchie des salaires suffisamment significative, fixée à partir du niveau du Smic, avec un niveau de salaire minimum garanti pour chaque grand niveau de qualification : 1,2 Smic pour un CAP, 1,4 Smic pour un Bac, 1,6 fois le Smic pour le BTS-DUT, 1,8 fois le Smic pour la Licence, 2 fois le Smic pour un Master , 2,3 fois le Smic pour le Bac + 8 (Doctorat).