Conférence sociale : les propositions de la CGT pour augmenter les salaires

Temps de lecture : 3 min.
Publié le 16 oct. 2023
C’est dans un contexte d'inflation qui dure depuis des mois que la CGT participe à la conférence sociale réunissant syndicats, patronat et gouvernement, lundi 16 octobre, afin d’obtenir des avancées réelles pour les travailleurs et travailleuses.
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Visuel de la campagne salaires - micro -

La CGT à l'offensive en faveur des travailleurs et travailleuses.

Dans le cadre de la conférence sociale sur les bas salaires qui se tient, lundi 16 octobre, la CGT porte dans chacun des ateliers programmés des propositions dans l’intérêt de l’ensemble du monde du travail, pour augmenter les salaires  tout en préservant notre système solidaire de protection sociale et pour améliorer le quotidien des plus précaires.

D’ores et déjà la CGT se félicite d’avoir obtenu de la première Ministre la tenue d’un quatrième atelier qui sera consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce sujet essentiel méritait bien mieux qu’un saupoudrage aléatoire sur les différents thèmes déjà prévus.

Partager la valeur c’est d’abord augmenter les salaires et tous les salaires, y compris ceux des fonctionnaires.

Et il y a urgence à cela tant la situation économique s’aggrave :

  • Un niveau d’inflation qui demeure élevé (6 % en 2022 et près de 5 % pour 2023)
  • Entre août 2021 et août 2023, les prix alimentaires ont progressé de 21,3 %. Ce sont les produits du quotidien qui sont les plus durement impactés (à titre d’illustration, pommes de terre + 24 % sur 12 mois, lait + 17,5 % sur 12 mois, électricité + 18 % sur 12 mois, gaz naturel et gaz de ville + 70,5 % depuis 2015, gazole + 58.8% depuis 2015, etc.)
  • Des dépenses pré-engagées (logement, assurances, télécoms) et contraintes (essence, nourriture) qui pèsent beaucoup plus lourd dans le budget des ménages modestes (41 %) que des plus aisés (28 %) selon France Stratégie
  • Une immense inquiétude pour 91 % des citoyen·nes qui pensent que l’inflation doit constituer une priorité du gouvernement mais 81 % d’entre eux et elles considérant que celui-ci n’agit pas assez
  • Près d’un·e français∙e sur trois rencontre des difficultés à se procurer une alimentation saine lui permettant de faire 3 repas par jour.
  • Un·e français·e sur cinq vit à découvert (+ 3 points sur un an). C’est même 31 % pour les ouvrier·es et 25 % pour les employé·es.
  • 45 % des français·es déclarent être dans l’incapacité de payer certains actes médicaux.

 

 

Et pourtant, dans le même temps, selon la DARES, le salaire mensuel de base a reculé en termes réels (corrigé de l’inflation) entre le deuxième trimestre 2021 et le premier trimestre 2023.

L’INSEE fait la même analyse en prévoyant une baisse des salaires réels moyens par personne de -2,8 % entre l’été 2022 et l’été 2023, et une nouvelle baisse du pouvoir d’achat des ménages de -0,8% pour les deux premiers trimestres 2023.

Au premier trimestre 2023 les salaires ont baissé :

  • - 0,2% pour les ouvrier·es
  • - 0,8 % pour les employé·es
  • - 1,5 % pour les professions intermédiaires
  • - 2,1 % pour les cadres.

Les qualifications ne sont plus reconnues et rémunérées à la hauteur des richesses qu’elles permettent de créer. La baisse de pouvoir d’achat par rapport aux générations précédentes se joue dès le salaire d’embauche.

Les 4 propositions de la CGT s'articulent autour des points suivants (Détails ⬇️ ) :

  • salaires, minima conventionnels, classifications et déroulés de carrière ;
  • égalité femmes-hommes ;
  • exonérations de cotisations sociales et aides publiques ;
  • temps partiels, contrats courts.

Déclaration de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT

Je voudrais d’abord commencer par un mot : Enfin ! Enfin, on parle salaires… Il était temps parce que cela fait des mois que la CGT et les organisations syndicales interpellent sur l'urgence de la situation :

  • les salaires ont baissé alors que les prix des produits de première nécessité explosent ;
  • la pauvreté est en progression continue depuis 2017, avec 9 millions de pauvres aujourd’hui en France ;
  • la moitié des salarié·es du privé gagnent moins de 1,6 smic... c'est-à-dire 2012 euros/mois, montant en dessous duquel on ne peut pas se projeter sur l’avenir.  

Derrière ces chiffres, il y a surtout des millions de ménages qui ne peuvent pas épargner, qui ne peuvent pas payer d’activités extra-scolaires à leurs enfants, qui peinent à remplir leur frigo, qui ne peuvent pas partir en vacances…

Lire l'intégralité de la déclaration
Nos propositions : Salaires, minima conventionnels, classifications et déroulés de carrière 

Le salaire est le paiement de la force de travail. Avec les prestations sociales, il doit garantir les moyens nécessaires à l’existence et permettre l’épanouissement de la, du salarié·e par l’élévation de son niveau de vie, et ceci en dehors de tout autre élément de rémunération. Il doit assurer une véritable garantie et reconnaissance des qualifications et des compétences associées de la, du salarié·e.

Les niveaux de qualification de la, du salarié·e doivent avoir pour référence les niveaux des diplômes de l’Éducation nationale quel que soit le mode d’acquisition de cette qualification (formation initiale, expérience, validation, formation continue). À chaque niveau de qualification doit correspondre un niveau de salaire de base minimum de première embauche.

  • Un SMIC à 2000 euros brut pour un temps plein
  • Ouverture d’un « grenelle des salaires » (négociation L1)
  • Indexation automatique des salaires sur les prix (« échelle mobile des salaires »)
  • Suppression de l’interdiction d’indexation des conventions collectives sur l’augmentation du SMIC
    • Pour acter l’augmentation automatique de l’ensemble des salaires minima de branche dès lors que le SMIC est revalorisé
  • Obligation d’ouverture immédiate de négociations salariales dans l’ensemble des branches professionnelles dès la hausse du SMIC, en complément de l’obligation annuelle d’ouvrir une négociation de branche sur les salaires minima conventionnels.
  • Sanction des branches qui n’ont pas ouvert de négociations salariales suite à la hausse du SMIC et/ou qui, 3 mois après l’augmentation du SMIC, ont encore des minima inférieurs au Smic
  • Création d’un conseil d’orientation sur les salaires, les qualifications et les classifications sur le modèle du COR.
  • Définition légale de la classification avec
    • référence au niveau de diplôme et à la qualification acquise au cours de la carrière, au niveau de responsabilité et à l’autonomie,
    • définition des niveaux de classification permettant la reconnaissance des diplômes dès l’embauche 11
    • indexation des classifications sur l’évolution du plafond de la Sécurité sociale pour les cadres,
  • Obligation de formation des négociateur∙rices de branche avant la révision des classifications sur les enjeux d’égalité F/H avec présentation obligatoire du guide CSEP sur les classifications13
  • Création d’un droit à formation des négociateur∙rices de branche avant la révision des classifications financé par la branche et/ou les entreprises
  • Droit à l’expertise pour les organisations syndicales représentatives lors de l’ouverture de négociations sur les classifications et a minima tous les 5 ans avec un financement ad hoc par la branche dans le cadre du dialogue social
  • Liste obligatoire de points à vérifier pour contrôler le caractère nondiscriminant du système de classification
  • Obligations nouvelles dans les entreprises en matière de classifications :
    • Examen obligatoire du système de classification dans le cadre de la négociation triennale sur la GEPP/GPEC, et négociation de l’organisation du travail en lien avec les classifications.
    • Limitation obligatoire des écarts entre le plus bas et le plus haut salaire de l’entreprise dans le cadre des NAO.
  • Compléter les conditions d’information-consultation CSE sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi qui portent sur les qualifications en y ajoutant la grille de classification, la répartition des salarié∙es dans cette grille (ex. nuage de points par filière métiers) et l’organisation du travail en lien avec les classifications.
  • Obligation pour chaque branche de publier annuellement des données sur la prise en compte des qualifications (ex. statut des jeunes diplômé·es à l’embauche, puis 2 ans et 5 ans plus tard, salaires de première embauche par niveau de qualification et par emploi, etc). Publication sur un site internet porté à la connaissance de chaque salarié∙e de la branche  
  • Intégration d’un nouvel indicateur dans la BDES comparant la situation des salarié∙es d’un même âge et d’un même niveau de qualification pour suivre le déroulement de carrière, la prise en compte des qualifications et prévenir les discriminations. (Indicateur nuage de points proposé par le rapport Scibberras de 2014)
  • Permettre aux salarié·es de progresser dans leur carrière et de bénéficier d’une hausse de salaire idoine :
    • Droit opposable des salariés à bénéficier d’une progression de niveau dans la classification à intervalle régulier
    • Droit opposable des salarié∙es à bénéficier d’une hausse de salaire dès le changement de niveau ou de classification
    • Au bout d’une carrière professionnelle, chaque salarié∙e doit au minimum avoir obtenu le doublement, à « valeur monétaire constante », de son salaire d’embauche (hors action de formation qualifiante et promotion particulière)
Nos propositions : Egalité femmes-hommes

Malgré de nombreuses lois, une négociation de l’égalité professionnelle plus fréquente au niveau des grandes entreprises, l’égalité réelle est toujours loin d’être atteinte. La mise en place de l’index n’a pas eu l’effet annoncé par le gouvernement : une étude récente montre que les écarts de salaire n’ont pas évolué avec l’index, alors que les résultats de l’index sont très bons dans la plupart des entreprises. En effet, les écarts de salaire restent conséquents, autour d’un quart en moins pour les femmes : tout confondu, selon l’INSEE, en 2019, l’écart de salaire serait de 22%, mais selon une autre étude de l’Insee de 2020, sur des données de 2017, l’écart était de 28,5%14… Si la plupart des données Insee montre un léger recul de cet écart, il n’est dû qu’à un tassement des salaires des hommes depuis la crise de 2008 et non un rattrapage des salaires des femmes.

  • Transposition de la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit.
  • Révision de l’index :
    • Obligation de transparence sur le monde de calcul avec création d’une info/consult du CSE sur le sujet, transmission du détail à l’inspection du travail et possibilité légale de sanction par l’inspection du travail en cas d’index « mal construit » Révision des critères
    • Critère 1 sur les rémunérations : - Suppression du seuil de pertinence, -Barème plus progressif
    • Critère 2 sur la comparaison des augmentations individuelles : - Comparaison des montants d’augmentation et pas seulement des montants 14 Georges-Kot Simon, 2020, « Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé », Insee Première, n°1803, juin.
    • Critère 4 sur le nombre de salariés augmentées après leur congé maternité -Comparaison du montant de l’augmentation, comme le prévoit le code du travail
    • Ajout d’un critère sur les temps partiels et sur la part des femmes dans les plus basses rémunérations
    • Sanctions pour les entreprises ayant mois de 100/1000
    • Obligation de négocier une enveloppe de rattrapage de l’écart salarial pour toutes les entreprises ayant moins de 100 sur 1000
    • Sanctions pour les entreprises de moins de 100 salarié∙es
  • Revalorisation des emplois féminisés du public et du privé, notamment les métiers du soin et du lien
  • Renforcement des moyens et prérogatives de l’inspection du travail
  • Publications de données annuelles sur le nombre d’entreprises couvertes par un accord égalité professionnelle, le nombre d’entreprises mises en demeure et sanctionnées
  • Publication du décret prévu par la loi d’août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes excluant des entreprises publiques les entreprises ne respectant pas les obligations en matière d’égalité F/H.
  • Lutte contre les temps partiels imposés 
  • Suppression des écarts de rémunération sur l’ensemble des éléments de rémunération et transparence sur les rémunérations individuelles • Mise en place de la méthode des nuages de points et de la méthode de comparaison et reconstitution des carrières dans les entreprises en matière de lutte contre les discriminations dans la carrière  
  • Renforcement de l’action de groupe contre les discriminations, pour permettre aux organisations syndicales d’aller en justice au nom de toutes et tous les salarié∙es victimes d’une même discrimination et d’obtenir réparation.
  • Organisation d’une concertation tripartite sur la ratification de la Convention 190 et de de la recommandation n°206 de l’Organisation Internationale du Travail sur les violences sexistes et sexuelles, conformément à la demande adressée par l’ensemble des organisations syndicales à la première ministre en novembre 2022.
Nos propositions : Exonérations de cotisations sociales et aides publiques

Le montant des exonérations a été multiplié par 2,8 entre 2012 et 2022, ce qui vient chaque année grossir le poids des aides publiques aux entreprises. De surcroît, elles sont une réelle entrave à l’augmentation des salaires (trappe à bas salaires).

Pour la CGT, les cotisations sociales (part salariale et part patronale) représentent le salaire socialisé qui permet de financer la protection sociale de manière interprofessionnelle et collective.

  • En finir avec les trappes à bas salaires avec la suppression des exonérations de cotisations sociales
  • Création d’un comité national de suivi des aides publiques avec déclinaison régionales
  • Obligation de publication des données BDESE aides publiques sur les sites des entreprises.
  • Conditionner l’octroi des aides publiques à des objectifs de relocalisation des productions, de réindustrialisation, de transition environnementale, d’augmentations de salaires, d’égalité femmes-hommes, d’emploi des seniors, de réduction du temps de travail
  • Interdiction des suppressions d'emplois ou des accords de performance collective dans les entreprises qui ont perçu des aides publiques pendant 12 mois avec contrôle du CSE à l’issue de ce délai sur le stock d’emplois
  • Avis conforme du CSE en amont des demandes d’aides publiques et en aval de leur utilisation,
  • Droit à l’expertise ad hoc financé à 100 % par l’employeur sur les demandes et l’utilisation des aides publiques
  • Rescrit inspection du travail à disposition du CSE sur la conformité de la BDESE en matière d’aides publiques 
Nos propositions : Temps partiels, contrats courts

Presque 30%des hommes et 25% des femmes sont à temps partiel faute de ne pas avoir trouvé un emploi à temps plein. En 2022, dans le secteur privé, 42 millions d’embauches ont été réalisées en intérim et en CDD contre 4,5 millions en CDI. Plus le temps partiel est subi, plus il implique un risque de pauvreté.

En 2019, 39 000 établissements du secteur privé ont recours toute l’année à des contrats courts (moins d’un mois). La durée médiane des contrats courts dans certains secteurs est de 2 jours ! Dans ces 39 000 établissements qui recourent aux contrats courts tout au long de l’année, environ 9 millions de contrats courts pourraient être transformés en contrats stables (CDI ou CDD d’un an).

  • Ouverture d’une négociation L1 sur le travail à temps partiel.
  • Interdiction du temps partiel hors modification unilatérale de son contrat par le/la salarié∙e
  • Droit pour le/la salarié∙e de revenir à temps plein
  • Obligation légale de justification du recours au temps partiel pour l’employeur avec :
    • Avis conforme du CSE en cas de projet de recours au temps partiel.
    • Autorisation administrative de l’inspection du travail en cas de projet de recours au temps partiel
  • Surcotisation retraite pour les employeurs de salarié∙es à temps partiel
  • Nouveau cadre légal :
    • durée plancher minimum d’intervention,
    • rémunération des temps de trajet en cas d’interventions successives sur plusieurs sites distincts et des temps de coupure,
    • Rétablissement du délai de prévenance à sept jours minimum en cas de changement de planning, sauf à ce que le changement soit à l’initiative du salarié,
    • Accès aux mêmes droits que les salariés à temps plein,
    • Interdiction de la modulation du temps de travail pour les salariés à temps partiel,
    • Interdiction du travail de nuit à temps partiel.
    • En cas de non-respect : requalification en temps plein, indemnisation forfaitaire des salariés
  • Suppression des possibilités de dérogation par accord collectif en matière de temps partiel (limite de coupure, plafond des heures complémentaires, réduction du délai de prévenance)
  • Obligation d’organiser les cadres collectifs de travail les jours de présence des salariés à temps partiel
  • Droit au temps partiel à 80% rémunéré à 100% pour les parents d’enfants de moins de trois ans
  • Avis conforme du CSE en matière d’adaptation obligatoire de la charge de travail des salariés à temps partiel à leur temps de travail
  • Majoration des heures complémentaires à 25% minimum dès la 1ère heure puis 50%
  • Contrôle de l’inspection du travail sur les dérogations aux 24 heures sollicitées par les salarié∙es
  • Encadrement strict du recours au CDD
  • Définition du caractère saisonnier et encadrement
  • Encadrement du recours au Cdd dit d’usage en application du rapport IGAS de 2015 (appliqué partiellement seulement dans le secteur du spectacle
  • L’obligation de recruter en CDI pour les employeurs qui ont recours sur le même poste à l’utilisation de CDD sur plus de 6 mois.
  • Instaurer des objectifs chiffrés d’augmentation de la part des CDI et de la baisse de la part des CDD, CTT dans les entreprises.
  • Une surcotisation patronale à l’assurance chômage sur les CDD et contrats de moins de 6 mois, la surcotisation pourrait être dégressive en fonction de la durée du contrat de travail.
  • L’ouverture des droits à assurance chômage à deux mois pour les primo demandeurs d’emploi (première inscription) et à quatre mois de façon générale
  • La prise en compte de la prime de précarité dans le salaire de référence pour le calcul de l’allocation chômage
  • La suppression de la réforme du SJR qui impacte particulièrement les contrats courts. 

 

 

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