Contrôles abusifs et violences policières : les quartiers populaires en première ligne

Temps de lecture : 3 min.
Publié le 29 avr. 2020
Vidéos de violences policières et témoignages de contrôles abusifs se multiplient depuis le début du confinement. Les faits se concentrent en majorité dans les quartiers populaires.
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©Pixabay @geralt

Dès le lendemain du confinement, les chiffres parlent d’eux-mêmes : la Seine-Saint-Denis concentre à elle seule 10 % des verbalisations. D’après des chiffres plus récents, le département totalise 41 103 verbalisations, pour 242 259 contrôles, c’est-à-dire un taux de contravention de 17 %, contre 6,25 % à Paris et 8,7 % en Hauts-de-Seine.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces chiffres : d’une part, il est sûrement plus aisé de respecter le confinement dans les quartiers riches, où les conditions de logement sont meilleures (dans le 93, 25 % des logements sont surpeuplés) et les habitants des quartiers populaires font partie des travailleurs qui ne bénéficient pas du télétravail (livreurs à vélo, aide-soignants, infirmiers, caissiers, ouvriers, manutentionnaires...).

D’autre part, les contrôles policiers sont plus fréquents et plus sévères dans ces quartiers. C’est du moins l’analyse que propose Sebastian Roché, chercheur du CNRS et spécialiste de la police, au journal Libération : « Les comportements ne peuvent expliquer à eux-seuls une amplitude aussi importante dans les taux de verbalisation. C’est nécessairement une approche policière différente qui génère de tels écarts. »

Depuis plusieurs semaines, les vidéos témoignant de violences policières se multiplient

Le 24 mars, aux Ulis (Essonnes), une vidéo provoque l’indignation sur les réseaux sociaux : Sofiane, 21 ans, est frappé par des policiers sur le chemin du travail. Livreur pour Amazon, il se voit prescrire trois jours d’ITT. La veille, un autre jeune des Ulis avait déjà été violenté par la police. Le parquet d’Évry a ouvert deux enquêtes judiciaires pour faits de violences par personne dépositaire de l’autorité publique. « Des vidéos postées sur Twitter en provenance d’Asnières, de Grigny, d’Ivry-sur-Seine, de Villeneuve-Saint-Georges, de Torcy, de Saint-Denis et d’ailleurs en France, montrent des habitants apparemment frappés, gazés, et, dans un cas, une personne se faisant heurter par un policier à moto », alerte la LDH le 27 mars.

Au 14 avril, la plateforme de signalement des policiers mise en place sur le site de l'IGPN avait déjà reçu 166 signalements, et la police des polices comptait sept affaires judiciaires ouvertes pour des violences présumées lors de contrôles liés au respect du confinement en Île-de-France.

Une violente tentative d’interpellation policière a fait éclater la colère des quartiers populaires, dans la nuit du 20 au 21 avril.

Dans une tribune, dont la CGT est signataire, les auteurs rappellent que « les discriminations racistes, déjà insupportables, sont renforcées par l’impunité policière et les violences et humiliations se multiplient dans les quartiers populaires. On peut y ajouter le couvre-feu discriminatoire imposé aux habitants de ces quartiers par la ville de Nice. Ces injustices flagrantes sont documentées, nul ne peut les ignorer. [...] Les inégalités et les discriminations doivent être combattues avec vigueur et abolies : avec les populations des quartiers populaires, nous prendrons part à ce juste combat pour l’égalité, la justice et la dignité ».

Depuis, de nouvelles affaires sont venues compléter le tableau.

Le 26 avril, une vidéo diffusée par Taha Bouhafs, journaliste pour le média indépendant Là-Bas si j’y suis, montre des policiers tenant des propos racistes, après une interpellation à l’Île-Saint-Denis. Une enquête a été ouverte par l’IGPN.

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