Quel est le rôle de la Banque centrale européenne ?

Temps de lecture : 5 min.
Publié le 19 mai. 2021
La Banque centrale européenne (BCE) est chargée de la politique monétaire européenne, c’est-à-dire tout ce qui touche à l’euro (sa valeur par rapport aux autres monnaies par exemple), au contraire des États qui sont eux chargés de la politique budgétaire.
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La politique budgétaire est intimement liée à la politique monétaire et les deux ne peuvent être traitées indépendamment l’une de l’autre. Pour bien comprendre le rôle de la BCE, nous allons donc la décrire puis évoquer ses attributions et ses moyens d’actions.

La BCE, une institution indépendante et non élue par le peuple

La BCE est détenue par les Banques centrales nationales comme la Banque de France, qui est elle-même la propriété de l’État français. Cependant la BCE est totalement indépendante des États dans son action et n’a pas de compte à rendre à condition qu’elle respecte les traités européens.

Les principaux dirigeants de la BCE sont nommés par les dirigeants des pays de la Zone euro. Actuellement, la BCE est présidée par Christine Lagarde.

Les missions de la BCE

La BCE a pour principal objectif de veiller à la stabilité des prix, plus précisément une inflation contrôlée à 2 % annuels. L’objectif secondaire est de favoriser la création d’emplois. Dans les faits, la BCE ne parvient pas à remplir cet objectif, l’inflation constatée dans la zone euro étant constamment inférieure à 2 % depuis de nombreuses années.

Cet objectif repose sur des hypothèses erronées selon lesquelles la BCE serait en mesure de contrôler la quantité de monnaie en circulation dans l’économie et l’évolution des prix dépendrait de cette quantité de monnaie. De fait, la BCE pourrait contrôler l’inflation. Ces deux postulats ayant été disqualifiés par de nombreuses études, il n’est pas étonnant que la BCE ne parvienne pas à atteindre cet objectif.

De manière concrète, aujourd’hui la BCE oriente sa politique monétaire dans le but d’éviter l’éclatement de la Zone euro. Ainsi l’un des objectifs concrets de la BCE est par exemple de limiter au maximum les écarts entre les taux d’intérêts auxquels empruntent les différents États de la Zone euro.

Les principaux outils de la BCE

Les taux d’intérêts directeurs

La BCE est chargée de fixer les taux d’intérêts directeurs, par exemple le taux auquel la BCE va refinancer les banques commerciales (1) ou bien rémunérer leurs dépôts. Ces taux directeurs ont une influence sur tous les taux d’intérêts dans l’économie. Ces taux sont actuellement au plus bas, c’est ce qui explique les taux d’intérêts historiquement bas sur les crédits immobiliers.

L’hypothèse ici est que les taux d’intérêts bas favorisent l’investissement et donc la demande de crédit. Cependant, actuellement, même si les taux sont bas, on doute par exemple qu’un restaurateur ait envie de se lancer dans de grands investissements. En effet, la demande de crédit dépend surtout de nos anticipations sur l’avenir. Si l’on est confiant sur notre capacité de remboursement à l’avenir, grâce à un emploi stable par exemple, on aura plus facilement envie d’emprunter (ex : pour devenir propriétaire de son logement) et la banque sera plus encline à nous prêter que si l’on est intérimaire dans un secteur touché par la crise, et ce quel que soit le taux d’intérêt.

Or c’est surtout de cette activité de crédit que dépend la quantité de monnaie en circulation. Malgré ces taux très bas, le climat pessimiste qui règne sur l’économie freine donc fortement le crédit.

Les rachats d’actifs

La BCE peut également acheter des obligations (2) d’entreprises ou d’États. On appelle ça le « quantitative easing », en français « l’assouplissement quantitatif ». On dit souvent qu’il s’agit d’une politique monétaire non-conventionnelle (qui n’est pas « ordinaire »). Mais depuis la crise de 2008, cette politique est devenue le « nouveau normal » de la politique monétaire.

Cela permet « d’injecter » directement de la monnaie dans le circuit économique. De plus, ces achats gonflent la demande d’obligations et font augmenter le prix des obligations, autrement dit cela fait baisser leurs taux d’intérêts. En effet, plus il y a d’agents qui sont prêts à vous prêter, moins vous avez besoin de leur offrir un taux d’intérêt important pour obtenir votre prêt.

Les effets du quantitative easing

En mars 2020, lorsque la pandémie a commencé à toucher fortement l’Europe, les écarts de taux d’intérêts entre États européens ont très fortement augmenté. Ainsi, l’Italie, qui était le premier pays européen touché par la pandémie mais aussi l’un des plus fragiles sur le plan économique, a vu ses taux d’intérêts s’envoler tandis que l’Allemagne continuait d’emprunter à taux négatifs.

Face à ce constat et devant l’évidence que les États allaient devoir s’endetter massivement pour contrer les effets de la crise sur l’économie, la BCE a annoncé un nouveau programme massifs de rachat d’actifs et notamment de titres de dettes publiques.

Cela a immédiatement fait effet sur les taux d’intérêts qui se sont resserrés entre États européens et ont permis à des pays comme l’Allemagne et la France de continuer à s’endetter à taux négatifs, alors même que le besoin de financement était immense.

Concrètement, entre mars 2020 et mars 2021, la BCE a acheté pour plus de 2 000 milliards d’euros d’obligations, publiques et privées. C’est notamment du fait de ces rachats massifs de titre que la BCE, via la Banque de France, détient désormais environ 25 % de la dette publique française.

La Banque d’Angleterre, la Fed (3) ou encore la Banque centrale japonaise ont agi de la même façon.

Les limites de cette politique est que la monnaie injectée par les banques centrales n’atteint pas l’économie réelle, stagne sur les marchés financiers et alimente des bulles spéculatives. C’est en partie pour cela que les bourses américaines ou françaises tutoient voire dépassent leurs records historiques actuellement, et ce malgré une économie atone et des incertitudes sur l’avenir (4).

Nous avons donc vu que l’action de la BCE a été primordiale durant la crise pour maintenir des taux d’intérêts bas et assurer le financement des États sans aucune contrainte. Cependant cette politique n’est pas exempte d’effets pervers qu’il convient de maitriser. Enfin, on peut s’interroger sur le fait qu’une institution sans légitimité démocratique ait autant d’influence sur notre vie économique, ce qui plaide bien sûr pour une reprise en main démocratique de la Banque centrale.

 

 

Imaginons que l’on souhaite émettre une obligation à 100 euros avec un taux nominal de 2 %, c’est-à-dire que celui qui l’achètera pourra percevoir chaque année 2 euros d’intérêts.
Si beaucoup d’investisseurs souhaitent acheter cette obligation, soit je peux baisser le taux d’intérêt nominal pour la rendre moins attractive, soit les acheteurs peuvent enchérir et je la vends au plus offrant. Cela revient au même. En effet, si quelqu’un nous achète cette obligation 115 euros et que je lui verse 2 % d’intérêts chaque année, le taux d’intérêt réel n’est plus de 2 % mais d’1,74 %. On voit donc que plus il y a d’investisseurs qui veulent acheter les obligations, plus on peut baisser les taux d’intérêts. 
La BCE achète massivement des titres de dette publique, ce qui fait donc augmenter leur prix – ce qui diminue leur taux d’intérêt.
(1) Les banques commerciales, aussi appelées banques de second rang, sont les banques des ménages, entreprises et collectivités locales comme la BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE, etc. Au contraire les Banques centrales sont dites banques de premier rang.
(2) Une obligation est un titre de dette émis sur les marchés financiers.
(3) La Fed est la Banque centrale des États-Unis d’Amérique. Voir également l’article « Envolée du Bitcoin, effet collatéral de la politique monétaire » dans la Lettre éco de janvier 2021.

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