Pourquoi la dette augmente depuis quarante ans ?
Les effets de la crise de 2008
Il n’est pas rare d’entendre que les banques ont remboursé à l’État tout l’argent qui avait été dépensé pour assurer leur sauvetage lors de la crise de 2008. Ainsi, selon ce discours, les banques ne porteraient aucune responsabilité dans la très forte augmentation de la dette publique qui a suivi la crise de 2008. C’est une vision des choses très réductrice.
En effet, avant de se propager à toute l’économie, la crise de 2008 était bien une crise financière impliquant l’ensemble du secteur bancaire.
Or, comme on l’a vu dans la fiche 6, une partie des dépenses publiques évoluent comme des stabilisateurs automatiques. Ainsi, la crise économique a entrainé mécaniquement une forte augmentation des dépenses sociales (chômage, minima sociaux…) et une forte baisse des recettes publiques (moins de cotisations sociales, moins d’impôt sur le revenu, de TVA, d’impôt sur les sociétés…). De plus, l’État a mené des plans de relance importants afin d’essayer de contenir la crise économique.
Ainsi, selon un audit citoyen de la dette publique, en 2014, 22 points de PIB de dette publique étaient dus à la crise de 2008, soit près du quart de l’ensemble de la dette publique de l’époque.
Le financement par les marchés financiers
Nous avons vu notamment dans les fiches 2 et 4 que les taux d’intérêts auxquels la France s’endettait aujourd’hui étaient très bas. Cependant, cela n’a pas toujours été le cas et les taux d’intérêts imposés par les marchés financiers ont également pesé sur la dynamique de la dette publique française.
Ainsi, selon l’audit citoyen précité, si la France s’était toujours endettée à un taux d’intérêt réel de 2 %, en 2014 la dette publique aurait été inférieure de 29 points de PIB, soit près d’un tiers du total.
Ce constat pose donc la question de la dépendance du financement public aux marchés financiers. Cette question sera notamment traitée dans une prochaine fiche.
Des cadeaux fiscaux trop importants
Nous avons vu dans la fiche précédente que la dette publique ne s’expliquait pas par des dépenses publiques trop importantes, il faut donc regarder du côté des recettes pour mieux comprendre d’où vient la dette.
En effet, l’État s’est délibérément privé de recettes, provenant des ménages comme des entreprises, généralement au nom d’une prétendue efficacité économique. Parmi les exemples récents on peut citer les plus emblématiques tels que le CICE pour les entreprises (et sa transformation en exonérations pérenne de cotisations sociales) qui coûte près de 20 milliards d’euros par an aux finances publiques. Pour les ménages les plus fortunés, on pense notamment à la transformation de l’ISF en IFI qui ampute les finances publiques de 3,5 milliards d’euros chaque année.
On pourrait également parler de l’impôt sur les sociétés dont le taux baisse progressivement chaque année pour passer de 33,33 % en 2018 à 25 % en 2022, ce qui se traduira à terme par une baisse d’environ 10 milliards d’euros pour les finances publiques.
Ces mesures ne font que poursuivre une politique d’exonérations de cotisations et de niches fiscales en tout genre qui a débuté dans les années 1990.
En 2019, les niches sociales atteignaient 91 milliards d’euros (exonérations de cotisations sociales, exemption d’assiette…) selon la Cour des comptes. Pour les niches fiscales, ce serait du même ordre selon Fipeco, soit environ 180 milliards d’euros au total.
Il ne s’agit évidemment pas de dire que tous ces dispositifs doivent être supprimés, et même si c’était le cas cela ne permettrait pas de faire rentrer 180 milliards d’euros chaque année dans les caisses de l’État car ces suppressions auraient de nombreuses conséquences.
En revanche, nous appelons à une véritable transparence sur ces niches fiscales (il y en a plus de 450) et sociales et que leur efficacité soit étudiée plus clairement pour voir lesquelles sont véritablement utiles et celles qu’il faut supprimer.
L’évasion fiscale
Malgré tous ces cadeaux fiscaux, de nombreux entreprises et contribuables pratiquent encore et même plus que jamais l’évasion fiscale. Ainsi, rien que pour les entreprises du CAC 40, on compte 2 500 filiales dans des paradis fiscaux.
Au total, la fraude et l’optimisation fiscale coûteraient entre 80 et 120 milliards d’euros par an !
Si l’État est victime de ces comportements, il en est également en partie responsable. Premièrement par le flou des règles fiscales qui permet aux plus fortunés (entreprises comme ménages) de s’offrir les services de fiscalistes qui savent jouer avec les contours du droit pour s’en servir au mieux – c’est tout l’art de l’optimisation fiscale. Deuxièmement, la lutte contre la fraude fiscale est surtout une question politique. Cela nécessite des moyens humains pour traquer ces fraudeurs. De plus, des mesures fortes peuvent et doivent être prises pour améliorer la lutte contre cette fraude, comme la taxation unitaire des entreprises.
Nous avons donc vu que, contrairement aux idées reçues, la dette publique provient surtout d’une baisse des recettes publiques. Cette baisse a pu être causée par des crises économiques comme en 2008 ou en 2020 (comme décrit plus précisément dans la prochaine fiche) mais plus structurellement, ces baisses de recettes s’expliquent par des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux ménages les plus fortunés.