La dette est-elle un fardeau pour les générations futures ?

Temps de lecture : 5 min.
Publié le 18 mai. 2021
Un des arguments les plus souvent répétés par les libéraux serait que nous allons laisser une dette publique qui sera un fardeau pour les générations futures.
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Tout d’abord, on peut regretter qu’ils se préoccupent moins des générations futures (et mêmes présentes) lorsqu’il s’agit de parler d’environnement et de crise climatique. Mais même si l’on se doute que l’inquiétude pour les générations futures n’est qu’un prétexte à l’austérité, nous allons voir que c’est un argument qui ne tient pas.

Les administrations publiques ont certes des dettes, mais aussi un patrimoine

Nous avons vu dans la fiche 4 que d’autres indicateurs que le ratio dette/PIB étaient nécessaires pour appréhender la soutenabilité de la dette. Comparer ce que possèdent les administrations publiques par rapport à ce qu’elles doivent fait partie de ces indicateurs alternatifs.

En effet, l’endettement brut appréhendé seul a peu de sens. Tout comme une entreprise, dans son bilan, qui est une photographie de sa situation patrimoniale à un instant T, il y a des actifs (1) en face de son passif (2). Il en va de même pour les administrations publiques.

L’État ainsi que les autres administrations publiques (collectivités territoriales et administrations de Sécurité sociale) ont un patrimoine considérable, évalué à 3 668,6 milliards d’euros en 2018. Rappelons-nous par exemple du Fonds de réserve pour les retraites qui s’élève à plus de 30 milliards – il s’agit là d’un élément du patrimoine des administrations publiques.

Au-delà de cet exemple, ce patrimoine se matérialise par des bâtiments (1 100 milliards), du foncier (922 milliards), des actions d’entreprises (665 milliards) ou encore des droits de propriété intellectuelle (100 milliards). Cette liste n’est évidemment pas exhaustive mais permet de mieux saisir l’ampleur et la forme que prend le patrimoine des administrations publiques bien moins mis en avant que ses dettes.

Au total, si on compare ce que les administrations publiques possèdent par rapport à ce qu’elles doivent, le solde est largement positif, de 327,7 milliards d’euros pour 2018 soit plus de 4 500 euros de patrimoine net par français.

Si vous transmettez à quelqu’un une dette de 100 000 euros mais également un patrimoine de 120 000 euros, diriez-vous que vous lui laissez un fardeau ? Certainement pas.

La dépense publique doit servir à l’investissement

Comme souvent, on ne peut se limiter à une approche quantitative pour saisir tous les enjeux autour de cette question. En effet, tous les déficits publics ne se valent pas. Il faut donc s’intéresser à la cause de ce déficit pour juger de son utilité mais également de sa gravité ou non pour l’avenir.

Il en va de même pour un ménage ou une entreprise. Par exemple, un ménage qui emprunte pour acheter un logement est de fait endetté, mais en face de cette dette, il a du patrimoine. Il s’agit donc d’un investissement et les loyers économisés permettront de rembourser les mensualités d’emprunt.

Au contraire, si un individu emprunte pour solder une dette de jeu par exemple. Son endettement s’explique par des dépenses totalement improductives et sa capacité de remboursement peut s’avérer fragile. 

Concernant l’État, si son déficit s’explique par une politique d’investissement massif dans l’éducation, cela va se traduire par une montée en qualifications de la population. In fine cela peut entraîner une baisse du chômage, une augmentation des salaires et donc à la fois des dépenses en moins pour les finances publiques mais également des recettes publiques supplémentaires. On voit donc que ce déficit s’autofinance en quelque sorte.

De la même façon, si l’État investit dans le transport ferroviaire par exemple, il va faciliter les déplacements et donc permettre une meilleure productivité qui pourra faire baisser le chômage et augmenter les salaires.

Dans ces deux exemples, on voit bien que le fruit de ces investissements pourra être transmis aux générations futures de manière immatérielle (capital culturel) et matérielle (meilleur réseau ferroviaire). Ces générations n’auront donc pas à supporter cet investissement mais simplement à assumer sa « maintenance » et pourront se consacrer à de nouveaux investissements qui eux aussi profiteront aux générations suivantes.

Ainsi chaque génération profite de l’accumulation des connaissances et des investissements des générations précédentes.

L’apport de ces différents investissements est difficilement quantifiable sur le plan monétaire et ne se matérialise pas forcément en actifs tangibles comme on a pu le voir dans le paragraphe précédent. Pour autant leur apport aux générations actuelles et futures est indéniable.

Au contraire, si les déficits s’expliquent par des crédits d’impôts inutiles (comme le CICE) et par des cadeaux fiscaux aux plus riches (comme la transformation de l’ISF en IFI), alors le déficit peut poser problème puisqu’il ne crée par les conditions de son remboursement et n’apporte rien à la collectivité. Au-delà du niveau du déficit, il faut donc s’intéresser à ses causes.

Enfin, parler de fardeau pour les générations futures pourrait s’entendre si ces générations futures devaient rembourser la dette, ce qui n’est le cas comme nous allons le voir.

Un conflit de classe plutôt que générationnel

Comme on l’a déjà vu, la dette a une maturité, autrement dit une durée de vie moyenne, d’un peu plus de huit ans. Si ça devait être un fardeau, ça le serait donc pour les générations actuelles. Cependant la dette n’est jamais remboursée en tant que telle. Les échéances d’emprunt sont bien honorées et les prêteurs sont remboursés, mais pour cela l’État réemprunte. On dit qu’il fait rouler sa dette.

Les générations futures n’auront pas plus à rembourser la dette que nous aurons à le faire dans les années à venir. De plus, il n’y a pas que les dettes qui seront transmises aux générations futures, les titres de créance le seront également. Ceux qui toucheront les remboursements de la dette publique appartiennent aussi aux générations futures.

Il ne s’agit donc en aucun cas d’un conflit générationnel comme nous l’avons démontré mais bien plus d’un conflit entre les possédants qui touchent des intérêts sur la dette publique et le reste de la population qui subit les coupes dans les dépenses publiques pour rembourser cette dette si on se place dans le cadre d’une politique austéritaire.

On peut toutefois admettre un poids laissé aux générations futures de notre pays si nous sommes trop endettés envers des agents économiques non-résidents, puisque cette situation n’est pas pérenne et nous rend dépendants de nos créanciers. Cela justifie donc une réflexion sur de nouvelles modalités de financement de la dette publique que nous exposerons en partie dans une Note.

 

(1) Les actifs sont l’ensemble des biens et droits qui constituent un patrimoine.
(2) Le passif correspond à ce que doit une entité à des tiers.

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