Affaire Tefal : l’inspectrice du travail devant la Cour de Cassation

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Publié le 11 Sep. 2018
Laura Pfeiffer, 38 ans, était inspectrice du travail à Annecy, en Haute-Savoie. En charge du secteur où se trouve Tefal (groupe Seb), son inspection va tourner au calvaire, la conduisant à devenir lanceuse d’alerte sur les pressions subies par sa profession. Elle est aujourd’hui, mercredi 5 septembre, devant la Cour de Cassation, où un rassemblement à lieu à l’appel de la CGT SNTEFP.

Tout commence lorsque Laura est sollicitée par les organisations syndicales de l’entreprise Tefal sur leur accord d’aménagement de la durée du travail. En l’espèce, les agents de maîtrise de l’entreprise font beaucoup d’heures, mais ils ne sont pas au forfait et ne pointent pas, laissant toutes leurs heures supplémentaires impayées. Les salariés sont volés, l’État aussi (via la fraude aux cotisations sociales).

La pointeuse installée, Tefal s’aperçoit que le coût en heures supplémentaires est trop important. Elle décide de faire signer des conventions de forfait à ces agents de maîtrises. Saisie, Laura Pfeiffer s’aperçoit que les conventions ne sont pas valides et enjoint l’entreprise à en faire de nouvelles qui soient cette fois légales, avec des dispositions claires, conformes à la loi.

En 2013, elle est convoquée par son supérieur, le directeur départemental de l’inspection du travail. Ce dernier, pendant deux heures et demi, l’invective, exerce du chantage et menace sa carrière si elle ne revient pas sur sa position vis-à-vis de Tefal : « Moi je suis en fin carrière je n’ai rien à craindre, mais vous, vous êtes en début de carrière, méfiez-vous. » S’en suivirent six mois d’arrêt maladies pour Laura, dévastée par cette réunion qui « a saboté tous les fondements sur lesquels je m’appuyais pour exercer mes missions ».

En octobre 2013, elle reçoit des documents d’une personne anonyme qui prouvent qu’il y a un complot contre elle. Son directeur départemental est de mèche avec la société Tefal. Dans des notes internes, l’entreprise planifie, via le Medef de la métallurgie, d’user de ses relations pour dégager Laura. Elle saisit le conseil national de l’inspection du travail (CNIT) pour atteinte à son indépendance, joignant les documents prouvant l’exercice de pressions extérieures indues et mettant en copie les organisations syndicales.

En 2014, les relations avec son directeur départemental se dégradent, elle porte plainte à son encontre pour harcèlement moral. Cependant, c’est bien elle qui recevra plus tard une convocation au tribunal correctionnel d’Annecy, pour recel de documents volés et violation du secret professionnel. C’est le coup de massue : elle qui avait toujours cru en la justice et l’État de droit se rend compte que lorsque ce sont des puissants aux manettes, qu’il y a des enjeux politique forts et de l’argent en jeu, des emplois, tout ce qui est justice, droit et morale n’existe plus. Le procureur de la République d’Annecy en est le bien triste exemple.

Avant même la tenue du procès de Laura, ce dernier s’est permis une sortie dans le journal l’Humanité du 21 mai 2015 soulignant qu’il connait « très bien le directeur en question, qui est un homme charmant ». Alors que l’enquête pour sa plainte est en cours, le procureur de la république déclare que son potentiel agresseur est un homme charmant qu’il connait personnellement...

Son procès se traduira par 7 heures 30 d’invectives à son égard, l’avocat de la partie civile (Tefal) finissant même les auditions par « je n’ai pas grand-chose à dire, madame, la présidente et monsieur le procureur ont fait le travail à ma place ». Choquant ! Laura est condamnée, peine qui sera confirmée en appel en octobre 2016 : elle forme alors un pourvoi en cassation.

Résultat, Tefal a eu ce qu’il voulait : Laura ne les contrôle plus, les agents de maîtrise ont signé des avenants où ils gagnent la même chose que lorsqu’ils travaillaient 35h, alors qu’ils en travaillent 41. Le DRH, Dan, est devenu DRH France pour service rendu. En l’espèce, tous les PV dressés à son encontre ont été classés, tout comme la plainte de Laura contre son directeur départemental pour harcèlement.

Ainsi, pour la CGT, c’est le procès d’une société, dans le contexte de la loi de protection des lanceurs d’alerte promulguée le 9 décembre 2016, mais aussi de celle toute récente sur le secret des affaires, pour la liberté d’expression et contre l’impunité organisée des puissants !

« Selon que vous serez puissant ou misérable, - Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » Jean de la Fontaine

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