Exercice du droit de retrait du salarié
À l’heure où tout un chacun se demande comment il peut contribuer à lutter contre la propagation du virus, l’exercice du droit de retrait peut constituer une mesure forte et efficace. Encore faut-il qu’il soit mis en œuvre de façon appropriée !
Danger grave et imminent pour la santé du salarié
En cas de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié est en droit de suspendre son activité après avoir avisé l’employeur de ce danger (art. L. 4131-1 du Code du travail). Il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de craindre pour sa vie ou sa santé pour qu’il déclenche la procédure de retrait (Cass. soc. 23 avril 2003, n° 01-44806, BC V n° 136).
L’appréciation se fait au cas par cas. Le « Questions/Réponses » du gouvernement souligne que peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché.
L’employeur ne peut pas sanctionner le salarié qui exerce ce droit et ne peut pas cesser de lui verser sa rémunération (L. 4131-3 du Code du travail).
Toutefois, en cas de suspicion d’abus dans l’exercice du droit de retrait, L’employeur peut décider unilatéralement de cesser le versement du salaire, sanctionner le salarié voire le licencier pour absence injustifiée. Le litige sur la légitimité du droit de retrait pourra être tranché a posteriori par un conseil de prud’hommes, qui sera le plus souvent saisi par les salariés.
Le risque d’exposition au coronavirus permet-il au salarié d’exercer son droit de retrait ?
Pour le gouvernement, les possibilités de recours au droit de retrait sont fortement limitées lorsque l’employeur prend les mesures de prévention et de protection recommandées par le gouvernement. Dès lors qu’un employeur suit les recommandations du gouvernement, qu’il a informé et préparé son personnel notamment dans le cadre des IRP, le salarié ne pourrait a priori pas utiliser son droit de retrait.
Cette position du gouvernement est restrictive.
D’abord, le droit de retrait est un droit garanti par des dispositions législatives et mis en œuvre sous le contrôle des conseils de prud’hommes, ce n’est pas au gouvernement de le définir.
De plus, les recommandations du gouvernement paraissent parfois bien légères au vu des risques de contamination encourus.
Ce qui est certain, c’est que de l’avis même du gouvernement, le fait que l’employeur ne mette pas en œuvre les recommandations du gouvernement peut ouvrir la voie au droit de retrait :
- refus de télétravail alors qu’il est possible,
- pas de protection mise en place en cas d’accueil du public,
- absence d’affichage des gestes barrières,
- absence de nettoyage adéquat des locaux etc.
Ensuite, soulignons que le « danger » peut être caractérisé par une cause extérieure au salarié (par exemple : locaux dangereux), mais peut aussi très bien être lié à son état de santé (par exemple : allergie aux agents auxquels son poste l’expose ; Cass. Soc. 20 mars 1996, n° 93-40111, BC V n° 107).
Ainsi, un salarié vulnérable au coronavirus (femmes enceintes, personnes âgées de plus de 60 ans, gros fumeurs, personnes asthmatiques ou connaissant des difficultés respiratoires) pourrait mettre en œuvre son droit de retrait beaucoup plus facilement.
Notons que le droit de retrait concerne la situation du salarié. Le fait qu’il vive avec une personne particulièrement vulnérable au coronavirus ne permet malheureusement pas d’invoquer le droit de retrait.
Cependant, si l’employeur a parfaitement connaissance du fait que le salarié vit avec des personnes vulnérables, et qu’il existe des solutions de télétravail, de changement de postes, de mesures de protection ou de remplacement par un autre salarié, et que l’employeur ne les a pas mises en œuvre, il commet alors certainement un abus dans l’exécution du contrat de travail.
Le rôle des syndicats et représentants du personnel est indispensable pour regarder au cas par cas la situation des salariés et peser pour que leur soient appliquées les mesures les plus protectrices.
Comment le salarié peut-il mettre en œuvre son droit de retrait ?
Il suffit que le salarié informe son employeur ou son responsable hiérarchique par tout moyen de l’existence d’un danger et de l’exercice du droit de retrait juste avant ou concomitamment au début du retrait. Un écrit (mail, lettre recommandée etc.) est cependant toujours préférable.
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