Pour une protection sociale solidaire pour tous, partout en Europe

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Publié le 13 nov. 2017
Le droit à la protection sociale n’est pas méconnu par les traités de l’Union européenne. Plusieurs articles de la déclaration des droits fondamentaux reconnaissent le droit à la protection sociale : ainsi, l’article 34 « reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux ». De même, l’article 35 garantit le droit « d’accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales ».
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Europe et travail

La protection sociale est un domaine relevant du principe de subsidiarité : la responsabilité reste au niveau des États, l’Union européenne n’intervenant pour harmoniser ou coordonner les législations nationales que dans la mesure nécessaire pour assurer la libre circulation des personnes. C’est pourquoi l’Union européenne a adopté un règlement de coordination des régimes de Sécurité sociale dit « 883-2004 » qui précise notamment dans quelles conditions sont garantis les droits à protection sociale pour les travailleurs mobiles.

Produit d’histoires nationales largement différentes, les systèmes de protection sociale se caractérisent par une grande diversité. Ces différences de logiques se retrouvent par exemple en matière de retraites : tous les pays comportent un socle public financé en répartition, mais l’importance de celui-ci est extrêmement variable. Si la France a un régime de retraites reposant quasi-exclusivement sur la technique de la répartition, les retraites par capitalisation (les fonds de pension) occupent une part très importante voire majoritaires dans certains pays, comme par exemple les Pays Bas, ou l’Irlande (et le Royaume-Uni avant le Brexit). Le rôle de l’État est également très variable : par exemple, le système espagnol de santé est largement étatisé (comme le système anglais de NHS1), tandis qu’il repose dans un pays comme la France sur la médecine libérale. Le rôle des mutuelles est également très inégal.

Ces systèmes de protection sociale sont également extrêmement divers du point de vue de leur « générosité ». Certains pays de l’Union européenne disposent des systèmes d’assurance maladie, de retraite, de prestations familiales ou d’assurances chômage de niveau élevé quand d’autres pays n’ont qu’une protection sociale minimale. La place des assurances privées est aussi très variable, que ce soit en matière d’assurance-maladie ou en matière de retraites.

La construction d’une protection sociale solidaire pour tous, partout en Europe est donc une exigence vitale. Cette protection sociale doit être universelle, au sens où elle doit couvrir l’ensemble des risques sociaux et des événements majeurs de la vie : santé, retraite, accueil des enfants, perte d’autonomie (y compris le handicap), assurance chômage, droit au logement…

Elle doit être universelle en un autre sens : elle doit bénéficier à toutes celles et à tous ceux qui vivent sur le territoire européen.

Pour la CGT, le travail est, et doit rester, au cœur de cette protection sociale. Ainsi, en matière de santé, la question de la prévention est inséparable des situations de travail, même si d’autres éléments sont aussi à prendre en compte, comme par exemple l’impact de l’environnement.

À l’échelle européenne, le risque existe que ce droit à la protection sociale se heurte à d’autres objectifs de l’Union européenne, et en particulier au principe de la libre concurrence. L'attractivité de certains pays repose sur de moindres cotisations sociales ou une fiscalité plus faible, notamment la fiscalité des entreprises. Quel que soit le pays considéré et le niveau de sa protection sociale, pour le patronat, les cotisations sont toujours un problème parce qu’elles renchérissent le « coût du travail ».

La situation actuelle en matière de détachement des travailleurs illustre ce fait. Le principe qui veut que les cotisations applicables dans le cas de détachement d’un salarié soient celles du pays d’origine est un puissant facteur de dumping social : beaucoup d’entreprises recrutent des travailleurs détachés pour payer moins de cotisations sociales. Il est donc vital que soient construits, dans le cadre de la révision de la directive détachement, des dispositifs qui permettent de garantir que le détachement ne se traduira pas par une perte de recettes pour les pays qui ont les meilleurs systèmes de protection sociale.

Au-delà de la lutte indispensable contre le dumping social, plusieurs questions essentielles doivent être traitées si on veut garantir partout en Europe un haut niveau de protection sociale et tenir compte de l’augmentation qui va se poursuivre du nombre de travailleurs mobiles.
La question des soins à l’étranger en est une. Il est essentiel qu’en cas de problème de santé ou d’accident survenant à l’étranger, on puisse bénéficier des soins nécessaires, et que ces derniers soient pris en charge dans les mêmes conditions que dans le pays d’origine. Les salariés mobiles doivent également être couverts dans les mêmes conditions.

Il en est de même en matière de retraite. C’est d’ailleurs un sujet débattu depuis de nombreuses années dans l’Union européenne. Les logiques des systèmes de retraite sont diverses : répartition ou capitalisation, régimes en annuités, par points dans certains cas en comptes notionnels comme en Suède, en Pologne ou en Italie... Le développement des situations de travailleurs mobiles implique de construire, à l’échelle européenne, des solutions pour que ces salariés ne soient pas lésés.

Enfin, dernier exemple, l’assurance chômage : un salarié mobile qui est licencié doit avoir les mêmes droits à indemnisation que les salariés nationaux, et ce d’autant que les décisions de licenciement sont souvent la résultante, chacun le sait bien, de décisions de directions de groupes qui n’ont pas été prises au niveau national.

Garantir à tous un haut niveau de protection sociale, permettre une convergence par le haut et non par le bas des systèmes nationaux de protection sociale, lutter contre le dumping social... Toutes ces questions devraient être centrales, y compris dans le semestre européen, et plus généralement être au cœur de ce qu’on appelle la gouvernance économique de l’Union européenne.

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