Pour un commerce juste et au service des êtres humains

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Publié le 15 nov. 2017
S’il y a une chose qui rend la société humaine proprement humaine, c’est l’échange, le contact et le service mutuel rendu. Mais il y a une autre chose qui la rend société : l’existence et le respect de règles.
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Europe et travail

Dans un contexte plus large, l’échange se heurte à des frontières : culturelles, linguistiques, administratives, géographiques et légales. Pour que les groupes humains ne se retrouvent pas être des îlots isolés les uns des autres, des accords mutuels sur la traduction et l’adaptation de règles sont conclus entre ces groupes humains – qui sont en général, soit des États, soit des regroupements des États. Pour la France, la compétence complète sur les questions commerciales est dévolue à l’Union européenne, qui négocie au nom de tous ses membres les accords sur le commerce extérieur.

La question commerciale est extrêmement importante pour les Européens. En premier lieu, elle permet l’approvisionnement en matières premières et ouvre des débouchés pour les produits européens. Peu étonnant alors que les intérêts économiques et financiers suivent de très près l’action de la Commission européenne, qui est chargée de la mise en œuvre des politiques en la matière. Ces lobbies n’ont qu’une chose en tête : se débarrasser de tout ce qui pourrait gêner la circulation des biens, services, et moyens financiers et tout faire pour réduire au maximum tous les coûts et risques éventuels liés au transfert. Or, la plupart du temps, cela revient à une abolition des règles.

La vision d’une société humaine sans règles ? Pour les syndicats, cela n’aurait rien d’une société, d’ailleurs cela n’aurait rien d’humain non plus. Seulement, pour l’heure, tout ce que la Commission européenne (avec le feu vert explicite du Conseil européen, c’est-à-dire des gouvernements des 28 États membres) semble entendre et faire, c’est ce que les lobbies des firmes transnationales souhaitent.

Pour la CGT, et la CES, l’intérêt général demande un encadrement strict pour protéger les besoins, la santé et le bien-être des travailleurs et des consommateurs. Il faut établir des règles qui protègent les intérêts des populations. Des produits peuvent présenter des risques pour l’usager et pour le travailleur qui les fabrique. En Europe, l’approche c’est le principe de précaution : avant diffusion et utilisation, la non-nocivité doit être prouvée. Ailleurs (notamment sur le continent nord-américain), c’est plutôt la promesse d’une indemnisation et réparation financière pour la partie lésée. Manifestement, ces deux approches sont incompatibles. Pour le mouvement syndical, il est primordial que les politiques publiques assurent que, seuls des produits prouvés sûrs, peuvent connaître une diffusion large. Pour les lobbies, le principe de précaution représente surtout un obstacle à la maximisation de leur profit, mais ils n’en veulent pas.

Ces lobbies poussent par ailleurs vers l’abolition des règles en matière sociale, et en particulier demandent un allègement du droit du travail (il serait une « barrière non-tarifaire » à la libre circulation des services …). L’absence de règles contraignantes en la matière faciliterait la mise en concurrence des travailleurs. Les syndicats en Europe se mobilisent pour changer la politique commerciale européenne : l’Europe sociale, c’est l’Europe qui protège les citoyens et travailleurs dans toutes les dimensions de la vie.

L’argument des lobbies et de la Commission européenne, prétendant que la conclusion d’accords de libre-échange soutiendrait la croissance et l’emploi, et aurait un effet bénéfique sur le bien-être des populations, n’est pas vraiment démontré, voire même remis en doute par des analyses indépendantes : en France, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans son avis sur le Ceta, y revient longuement.

Mais savourons l’ironie et l’inconsistance des lobbies industriels : en principe, pour eux, l’existence même de règles constitue un obstacle au commerce (la fameuse « barrière non-tarifaire »). En revanche, quand il s’agit de la protection des intérêts d’investisseurs étrangers, ils poussent pour l’instauration de tout un système, étroitement encadré, pourvu d’une juridiction ad hoc et une mise en œuvre contraignante : les scabreux tribunaux privés du mécanisme de règlement des différends investisseur-État4 sont créés uniquement pour cette question ultra-spécifique. Inutile de dire que sur les enjeux sociaux, il n’y a strictement rien !

Les syndicats européens, réunis dans la CES, ont mis sur table en juin 2017 une autre vision du commerce, mutuellement bénéfique, et respectant les intérêts de toutes les parties, y compris ceux des pays en voie de développement. Les échanges internationaux sont bénéfiques et nécessaires, mais demandent un encadrement pour qu’ils soient justes et servent l’intérêt général.

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